Comment aider nos enfants à se concentrer ? Certains ne tiennent pas en place, d’autres sont souvent distraits, d’autre encore ont du mal à terminer ce qu’ils entreprennent… Et nous, parents, sommes souvent désemparés. Comment les accomagner ? C’est à cette question que répond Laura Caldironi dans ce 11ème épisode du podcast Jambon Coquillettes. Sophrologue, Laura répond à cette question dans son livre paru aux éditions Larousse "J’aide mon enfant à se concentrer". Dans cet entretien elle nous explique comment fonctionne la concentration chez l’enfant et partage avec nous ses conseils et ses exercices à pratiquer en famille, ainsi que son expérience de maman d’un jeune garçon de 9 ans, Sacha, et d’une petite fille de 6 ans, Nina.
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Anne-Laure Troublé : Bonjour Laura !
Laura Caldironi : Bonjour !
A.-L. T. : Alors que veut dire « se concentrer », exactement, pour un enfant ?
L. C. : Alors, la concentration, ce n'est pas un processus inné mais c'est une faculté, qui va s’acquérir, s'entretenir, se développer tout au long de la vie. C'est la capacité à se concentrer sur une tâche en faisant abstraction de son environnement. Donc, pour un enfant, se concentrer, ça implique qu'il mobilise ses capacités sensorielles vers un but précis, vers des informations qu'il sélectionne en faisant abstraction des autres informations et des stimulations qui ne sont pas essentielles. Et ça, c'est particulièrement compliqué pour un enfant parce que ça va lui demander un effort. Donc un enfant qui manque de concentration n'arrive pas à se focaliser plus de quelques minutes sur un sujet précis car il est très vite distrait, très facilement, par autre chose, par ce qui l'entoure, par un bruit, par une autre personne, etc.
A.-L. T. : Mais quand vous dites que ça s'apprend… L'apprentissage va se faire naturellement, au fil du développement de l'enfant, ou est ce que nous, parents, on participe à cet apprentissage ?
L. C. : Alors il va se faire, pour une partie, naturellement, puisque ça fait partie du développement de l'enfant que de développer sa capacité de concentration. Mais moi, je suis persuadée qu‘effectivement, le parent a un rôle très important pour aider l'enfant à développer cette capacité de concentration, en lui permettant d'avoir un environnement dans lequel il se sent en sécurité, dans lequel il se sente suffisamment bien pour pouvoir être en capacité de se concentrer.
A.-L. T. : Est-ce qu'il y a des exercices à faire ? Est-ce qu’il y a des choses qu'on peut mettre en place ?
L. C. : Oui, bien sûr ! On va pouvoir aider l'enfant à développer sa capacité de concentration. Moi, je suis persuadée que, déjà, en lui proposant un cadre dans lequel il se sent en sécurité…On sait que la sécurité affective compte beaucoup pour le bien-être physique et mental des enfants. Dès la naissance, en fait, on va pouvoir aider le tout petit enfant à se sentir en sécurité. Et puis, on va développer sa curiosité et sa capacité à apprendre en lui proposant des activités diverses et variées. Ça va du puzzle à la pâte à modeler, même des activités sportives, etc. Et c'est en particulier avec les interactions entre l'enfant et ses parents que l'enfant va développer le mieux ses capacités de concentration. Donc câliner son enfant, lui sourire, lui parler, partager des moments de complicité, jouer avec lui sont autant d'échanges quotidiens qui vont participer de son épanouissement et de son développement. On peut tout à fait développer la capacité de concentration de l'enfant dès le tout petit âge. Mais même si on constate que son enfant a un peu des difficultés à se concentrer, qu'il est plus âgé, qu'il a 5 ans, qu'il a 10 ans, on peut toujours agir pour favoriser cette capacité de concentration de son enfant.
A.-L. T. : Parce que de ce que je comprends, la sécurité affective, c'est vraiment la base. Donc j'imagine que si l'enfant ne se sent pas en sécurité, en fait, il va utiliser son cerveau pour essayer de résoudre ce problème-là avant de pouvoir se concentrer sur autre chose. C’est une espèce d'inquiétude, j'imagine, qui l'empêche de penser à autre chose. C'est dans ce sens-là ?
L. C. : Oui, mais entre autres. Effectivement, l'enfant qui n’est pas dans une sécurité affective, il va mettre toute son énergie sur ses besoins primaires, en fait : son besoin de sécurité, répondre à ses besoins physiques. Et puis il ne va absolument pas mobiliser son énergie sur ses besoins, on va dire, moins indispensables au quotidien, et notamment les apprentissages, la mémorisation, la concentration.
A.-L. T. : Dans ton livre, tu parles des nombreux éléments qui peuvent nuire à la concentration. Donc tu parlais des écrans, notamment. Est-ce que c'est un vrai sujet aujourd'hui ?
L. C. : Alors oui, c'est un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur. Il faut vraiment bien garder à l'esprit que les écrans nuisent beaucoup à la concentration. Ce sont des perturbateurs très forts pour la concentration. Donc il ne s'agit pas d'exclure complètement les écrans de la vie de nos enfants. Aujourd'hui, ils en font partie. Mais en tant que parent, pour moi, le rôle du parent, c'est de vraiment veiller à encadrer, à limiter l'usage des écrans pour permettre à l'enfant de pouvoir faire autre chose que passer des heures à jouer sur le téléphone portable, sur la tablette, devant la télé, etc. Donc il y a quelques petites règles que, moi, je conseille de respecter concernant les écrans. La première, c'est « Pas d'écrans avant 3 ans ». Ça, ça me paraît être vraiment une règle qu'il faut absolument respecter. Ensuite, à partir de 3 ans, on peut proposer à son enfant, de temps en temps, des écrans. Mais on va limiter le temps d'écran. L'idée, c'est par exemple de limiter à, on dira, 30 minutes par jour le temps d'écran, en sachant que c'est un maximum et que ça concerne tous les écrans. Ce n'est pas 30 minutes de télévision, 30 minutes de téléphone, 30 minutes de tablette. C'est 30 minutes de tous les écrans. Et encore une fois, c'est un maximum. On peut tout à fait décider que, par exemple, il n'y a pas d'écrans la semaine chez soi, et qu'on va regarder uniquement le week-end un film. On peut aussi instaurer des moments et des lieux sans télévision. Comme par exemple le temps des repas ou la chambre à coucher. Moi, je conseille également d'éteindre la télévision si personne ne la regarde. Il m'arrive par exemple d'intervenir des fois à domicile et de me rendre compte que, chez certaines personnes, la télé, elle est allumée toute la journée. C’est un peu comme un autre membre de la famille, et ça fait partie de l'environnement sonore de la famille. Or si personne ne regarde la télé, il vaut mieux l'éteindre. Tout simplement parce que pour les enfants en particulier – c'est le cas pour les adultes aussi – mais pour les enfants, d'avoir constamment ce fond sonore, ça nuit énormément à leur capacité de concentration. En particulier s'ils sont en train de faire leurs devoirs. Un autre point important, c'est d'essayer de veiller à limiter l'usage des écrans à partir de 18 heures, puisque l'exposition à la luminosité, la lumière bleue que dégagent les différents écrans, ça réduit le taux de mélatonine dans le corps, et cette mélatonine, c’est l'hormone régulatrice du sommeil. On sait que les écrans ont vraiment un effet très néfaste sur le sommeil.
A.-L. T. : Si je résume : l'écran, c’est qu'à la fois ça capte l'attention des enfants, qui ne consacrent pas cette attention, et donc la concentration, à autre choses. Et j'imagine aussi que ça les rend un peu flemmards. Parce que c'est tellement captivant, justement, les écrans, qu'on n'a pas beaucoup d'effort intellectuel à faire, et on n'entraîne pas sa concentration et sa capacité, justement, à mobiliser ses ressources intellectuelles. Donc c'est double peine, quoi !
L. C. : Oui. En fait, les écrans, ça fatigue le système attentionnel des enfants. On a l'impression, quand notre enfant est devant… Ça, c’est quelque chose, aussi, que j'entends beaucoup : « Oh là là, il se concentre beaucoup quand il est devant la tablette ! » Oui, alors ça, ce n'est pas vraiment de la concentration, en fait. Il est capté par les nombreux stimuli visuels et sonores qu’il y a au niveau de l'écran, et il est en train de fatiguer son système attentionnel, et on sait que les conséquences, elles vont être très nombreuses. Il va être énervé, il va peut-être être excité. Et puis, évidemment, cette perte de capacité de se concentrer. On parle de concentration « négative », qu'on va distinguer de la concentration « positive ». La concentration positive, elle va passer par les circuits du langage et elle va permettre de comprendre, de créer. Et ce n'est pas du tout ce qu'on fait quand on est devant un écran. Et puis, il y a un autre élément également très important, c'est lorsque l'enfant joue avec des jeux vidéo, ou passe de vidéo en vidéo sur YouTube, qu'il zappe de courtes vidéos à courtes vidéos, il produit de la dopamine. Et la dopamine, c’est un messager chimique qui est lié à l'attention, qui est lié au plaisir, qui est lié à la motivation. Et lorsqu'il cesse de jouer, il y a une chute très violente de cette dopamine. C'est comme une drogue, en fait. Et alors il devient des fois très agressif. Je ne sais pas, je suis certaine que parmi les personnes qui écoutent, il y a des personnes qui ont déjà constaté ça avec leur enfant.
A.-L. T. : Moi, je l’ai constaté avec le mien !
L. C. : Voilà ! Moi aussi, je l'ai constaté avec mes propres enfants. Quand on éteint l'écran, il devient souvent très agressif, très émotif. Il perd vraiment toute gestion émotionnelle. Et ça, c'est tout simplement lié à cette chute de la dopamine.
A.-L. T. : Tout à l'heure, vous évoquiez le problème du sommeil, en disant justement que les écrans pouvaient retarder le sommeil. Et ça, c'est aussi, le manque de sommeil, un des éléments qui peut nuire à la concentration ?
L.C. : Oui. Le sommeil, c'est vraiment essentiel pour le bien-être physique et mental de toute personne, en réalité, mais des enfants en particulier. Et on sait que le manque de sommeil, ça va perturber beaucoup la capacité de concentration. Le sommeil, ça a un rôle réparateur pour l'organisme et ça participe aux étapes de l'apprentissage de la mémorisation. Quand on dort, on mémorise tout ce qui s'est passé, tout ce qu'on a appris pendant la journée. Donc un sommeil suffisant et de qualité, c'est vraiment essentiel pour que l'enfant puisse se concentrer. Et aujourd'hui, on sait qu'il y a… Le sommeil, c'est un enjeu pour notre société. On dort de moins en moins, en fait. Et ça rejoint d'ailleurs la problématique des écrans : c'est que beaucoup d'enfants regardent les écrans le soir au lieu de dormir. Et puis, petit à petit, grignotent sur leur sommeil, et ça, ça a de vraies conséquences sur leur capacité de concentration.
A.-L. T. : Il faut donc une sécurité affective, du sommeil, pas trop d'écrans, surveiller les écrans. Malgré tout, il arrive aussi qu'il y ait des enfants qui bénéficient de tout cet entourage positif et qui restent avec des difficultés de concentration. Est-ce qu'on peut intimer à un enfant, en lui disant « Concentre-toi! » ? Est-ce que c'est efficace ?
L. C. : Alors… Non ! L'injonction… Beaucoup de parents répètent, et ce qu'on entend souvent, c’est : « Mais concentre-toi ! Vas-y ! Tu fais exprès ou quoi !? Concentre-toi ! » Donc demander de cette façon à son enfant de se concentrer, souvent, ça ne porte pas ses fruits. Parce qu'en fait, l'enfant, il ne sait pas comment faire. Il a besoin qu'on lui apprenne, qu’on l'aide, qu'on l'accompagne dans cet effort de concentration en lui proposant des stratégies, en lui donnant des conseils. Mais lui donner l'ordre de se concentrer, souvent, ça a même un effet contraire, parce que ça va bloquer l'enfant. Donc, moi, ce que je conseille, c'est de remplacer la formule « Concentre-toi » par « Nous allons ensemble trouver une solution pour que tu puisses mieux te concentrer ». Voilà. Donc tout de suite, on n’est pas tout à fait dans le même positionnement envers son enfant. Et ça, ça passe par un certain nombre d'étapes. On va d'abord évaluer ce qui empêche l'enfant de se concentrer. Observer avec lui. Peut-être qu'il a un besoin non assouvi. Peut-être qu’il est fatigué. Peut-être qu'il a faim. Peut-être qu'il a très, très envie de jouer à un jeu. Et on va proposer à l'enfant une stratégie pour qu'il puisse mieux se concentrer. La stratégie, ça peut être de faire une pause. Ça peut être de trouver un jeu qui va nous permettre de nous concentrer. Ça peut être aussi de faire un exercice de respiration pour se calmer. Et puis on va essayer, en tant que parent, d'adopter une attitude cohérente, d'encourager notre enfant. Ça, c'est important. Et puis moi, je conseille de ne pas dépasser le temps maximal de concentration de l'enfant. Si ça fait une demi-heure qu'on est bloqués sur un exercice de math, il vaut mieux faire une pause, reprendre plus tard plutôt que s'acharner. Souvent, ça ne porte absolument pas ses fruits. Les enfants ont quand même des durées de concentration qui sont relativement courtes. Donc il faut adapter notre demande à l'état de disponibilité de notre enfant.
A.-L. T. : Et ça, ça dépend de l'âge, j’imagine. Entre un enfant de 5 ans et de 8 ans, ce n'est pas la même chose.
L. C. : Oui, tout à fait. Ça dépend de l'âge. Le tout-petit, le bébé, est capable d'être attentif à quelque chose. On le voit parfois, : des bébés qui bloquent sur une photo, sur un mobile, sur une couleur. Mais souvent, ça ne dure pas très longtemps. Et la capacité de concentration, elle va se développer tout au long de l'enfance. On dit qu’en général, un enfant entre 2 et 4 ans va pouvoir se concentrer une dizaine de minutes, rarement plus. Entre 5 et 6 ans, juste avant l'arrivée au CP, on peut espérer qu'il se concentre 15 minutes. Et puis, l'arrivée au primaire, on va dire entre 6 et 10 ans, là, pour le coup, le temps de concentration passe à 20 minutes. Mais on voit, c'est quand même assez court. Ils vont avoir besoin de changer régulièrement d'activité, de faire des pauses. À partir de 10 ans, on peut s'attendre à ce qu'un enfant puisse se concentrer 30 minutes. Moi, souvent, je ramène les parents à s'interroger sur leur propre capacité de concentration. Même en tant qu'adultes, on sait que 40, 45 minutes, c'est souvent le temps de concentration maximum sur une activité donnée. Au bout de 40, 45 minutes, on va avoir besoin de se lever. On va avoir besoin de boire un café, on va avoir besoin de marcher un petit peu, etc. pour retrouver une meilleure capacité de concentration. Et ces temps sont bien sûr indicatifs. Ils vont, encore une fois, varier en fonction de l'enfant, en fonction de ses capacités, de son caractère. Il y a des enfants qui vont se concentrer beaucoup plus facilement que d’autres.
A.-L. T. : D'ailleurs, oui : est-ce qu‘il peut y avoir des pathologies de la concentration ?
L. C. : Oui. Certains enfants, vraiment, rencontrent de grosses difficultés à se concentrer. Il est possible que certains enfants qui ont des difficultés à se concentrer ont un trouble du déficit de l'attention, avec ou sans hyperactivité. C'est ce qu'on appelle le TDA//HA. C'est un trouble neurodéveloppemental qui est caractérisé par une inattention, une impulsivité, et parfois une agitation. Alors attention, ce n'est pas juste un enfant un petit peu excité !
A.-L. T. : Oui, parce que j'ai l'impression,il a bon dos, le TDA/HA, on en parle beaucoup. Et les parents, très vite…
L. C. : C’est un peu à la mode !
A.-L. T. : Ça concerne combien de pourcentage d'enfants ?
L. C. : C'est difficile de donner un chiffre. Ce qu'on sait, c'est qu'en tout cas, ce sont des symptômes qui sont fortement prononcés et qui se manifestent dans plusieurs domaines de la vie quotidienne de l'enfant. Ce n'est pas juste : « Mon enfant, il saute sur le canapé et il court partout dans la maison. » Non, c'est que vraiment, on a été alerté par l'école, on a été alerté par le centre de loisirs, on a été alerté par la famille. Ces symptômes d'inattention, d'impulsivité, voire d'agitation, on les retrouve dans plusieurs lieux, et surtout, on les retrouve sur une période assez longue. Parce que parfois, on peut avoir un enfant qui est un petit peu énervé parce qu'il vient de déménager, parce qu'il vient de changer d'école, parce que ses parents ont des problèmes au travail, ou qui rencontre une personne un petit peu compliquée. Là, dans le cadre du TDA/HA, c'est vraiment sur une période prolongée.On dit au moins six mois.
A.-L. T. : Et c'est vraiment un problème biologique, neuronal ? Ce n'est pas comportemental ?
L. C. : Oui, tout à fait. Non, ce n'est pas la faute des parents. Ça, c'est ce qu'on entend souvent : « Oui, mais si vous éduquiez mieux votre enfant, ça ne se passerait pas comme ça. » Absolument pas. Ce déficit de l'attention, c'est quelque chose avec lequel l'enfant est sans doute né. C'est en partie, sans doute, génétique, mais c'est quelque chose qui va évoluer, positivement sans doute, qui nécessite un accompagnement, mais en tout cas, qui n'est pas la faute ni de l'enfant ni des parents. Après, il y a aussi… Je ne dirais pas que c'est une pathologie, mais les troubles de la concentration peuvent aussi toucher des enfants qui ont un profil différent. Les enfants qui sont à haut potentiel intellectuel, par exemple, qu'on appelle souvent « les enfants précoces », ou « les enfants surdoués ». Ils peuvent aussi présenter parfois des troubles de la concentration, et c'est souvent lié au fait qu'ils s'ennuient, notamment à l'école. Donc ils partent ailleurs, en fait. Ils se dispersent. Et puis souvent, ils sont aussi très absorbés par leurs propres pensées. Parfois, certains enseignants vont vous dire : « Oh là, là, cet enfant a beaucoup de mal à se concentrer ! » Et puis c'est peut-être, en réalité, que c'est un enfant à haut potentiel intellectuel. Un autre point de vigilance, également, ça me tient particulièrement à cœur, c'est tout ce qui est lié aux troubles de la vue et de l’ouïe. Il y a de nombreux enfants qu'on a considérés comme étant des enfants qui avaient des gros troubles de la concentration et puis, finalement, on s'est rendu compte qu'ils avaient une déficience visuelle ou auditive. Les enfants sont capables de compenser. Parfois, on met quelques années à se rendre compte qu'au final, l'enfant n'entendait pas bien, ou ne voyait pas très bien. Et ça, ça peut altérer de façon quand même considérable ses performances et notamment sa capacité de concentration. Moi, je conseille souvent aux parents qui viennent me voir en me disant « Il a du mal à se concentrer en classe », etc. : « Vérifiez aussi la vue et l’ouïe. »
A.-L. T. : Commencez par là, déjà !
L. C. : Tout à fait.
A.-L. T. : C’est facilement résorbable, dans ces cas-là. Des lunettes, un appareil, et ça ira mieux.
L. C. : Exactement.
A.-L. T. : J’avais une question, qui me tient souvent à cœur : quand mes enfants commencent quelque chose, ça m'énerve toujours parce qu'ils ne finissent pas toujours ce qu'ils font. Et donc, est-ce que c'est important d’ordonner à son enfant de terminer ce qu’il commence ?
L. C. : Alors, oui, c'est important d'aider l'enfant à terminer la tâche qu'il a commencée pour lui apprendre aussi, tout simplement, la persévérance dans la vie de tous les jours. C'est très important. Pour ne pas se décourager, pour réussir à surmonter les obstacles, lui apprendre à surmonter les obstacles, c'est autant de défis que l'enfant va rencontrer tout au long de sa vie, et aussi de son parcours scolaire. Donc l'objectif, c'est de l'aider à poursuivre son effort, même s'il rencontre des difficultés, même s'il y a des obstacles à la réussite de ce qu’il est en train de faire. Donc pour faire cela, moi je conseille de ne pas finir à la place des enfants. Ça, c'est quelque chose qu'on voit souvent, pour que ça aille plus vite. On dit : « C’est bon, je vais le faire ! » Parce qu'effectivement, en général, quand le parent le fait, ça va beaucoup plus vite. Donc, c'est vraiment essentiel, pour que l'enfant apprenne à maintenir son attention, qu'il comprenne que l'effort doit venir de lui et qu'il a aussi les capacités à le faire. Parce que quand on fait à la place de quelqu'un, on lui donne l'impression qu'en fait, il n'a pas les capacités de le faire, et donc l'enfant peut perdre confiance en lui. Et puis, le petit rituel, c'est de se dire « On finit une tâche avant d'en commencer une autre ». Ça, c'est quelque chose qu'on peut vraiment répéter. De toute manière, la pédagogie, l'éducation, c'est basé sur la répétition. Donc il y a des petites phrases, comme ça, qu'on peut répéter. « On ne commence quelque chose que quand on a terminé la chose d’avant. » Ça, ça aide l'enfant à s'habituer à toujours terminer, ou ranger, l'activité précédente.
A.-L. T. : Encore une fois, comme vous le disiez, c'est qu'il faut répéter sans cesse, en revanche. Longtemps, sur plusieurs années, je crois !
L. C. : Tout à fait. La pédagogie, c'est la répétition. Ce n'est pas parce qu'on a dit une fois à son enfant « Il faut que tu ranges les chaussures dans le placard quand tu arrives à la maison » qu’il va le faire de façon automatique. Il y a vraiment cette idée de répéter, de répéter, de répéter. Alors ça peut être un peu fatigant pour les parents, parfois, mais je pense que ça fait intimement partie du rôle des parents. Moi, j'aime beaucoup le concept des routines. Je trouve qu'avec les enfants, ça marche très, très bien. C'est d'essayer de créer des routines. Par exemple, si effectivement, on a décidé qu’on voulait que notre enfant ne fasse plus les devoirs sur la table de la cuisine mais fasse ses devoirs dans sa chambre, on va en discuter avec lui, on va dire « Écoute, moi, j'aimerais qu'on mette en place une nouvelle manière de faire les devoirs, que tu les fasses dans ta chambre ». Le premier jour, il est quasiment certain qu'il va s'installer dans la cuisine. Et puis on va le répéter. Et puis le deuxième jour, et puis le troisième jour. En général, on dit qu'il faut à peu près trois semaines pour qu'une routine se mette en place. Mais une fois qu'elle est mise en place, on a tout gagné. Parce qu'on gagne beaucoup d'énergie à ne pas s'énerver ou à ne pas discuter. Et puis surtout, moi je trouve que c'est très sécurisant pour les enfants, aussi, d'avoir des routines. Ça rythme leur journée, et pour eux, c'est très important.
A.-L. T. : Ça fait partie d’ailleurs de ce cadre rassurant dont on parlait au départ.
L. C. : Tout à fait.
A.-L. T. : Alors je sais que vous avez deux enfants. Donc Sacha, 9 ans, et Nina, 6 ans. Est-ce que vous avez aussi rencontré parfois des difficultés, ou comment vous avez aidé vos enfants à se concentrer ?
L. C. : Je n'ai pas rencontré de difficultés particulières s'agissant de leur capacité à se concentrer. Cela dit, j'ai deux enfants qui sont très différents. Mon garçon, il est capable de passer quatre heures à construire un Lego dans sa chambre, ou cinq heures à faire son dessin de poésie parce qu'il veut qu’il soit absolument parfait. Donc lui, très clairement il a d'autres soucis, mais il n'a pas de souci au niveau de la concentration. Sa petite sœur, elle est beaucoup plus tonique. Elle est beaucoup plus intense. Elle ne rencontre pas de difficulté à se concentrer mais en revanche, elle fait les choses très vite. Elle va parfois plus vite que la musique. Elle ne prend pas le temps de lire les consignes, ou elle ne va pas s'appliquer. Donc moi j'essaie, dans ce cadre-là, de lui proposer des stratégies, comme je vous disais tout à l'heure. Je l'invite, par exemple, à relire deux fois la consigne avant de faire un exercice. J'essaie de discuter régulièrement avec elle de l'intérêt de prendre le temps de faire les choses avec plus de précision, d'application. Et puis j'essaye de lui proposer des activités, qu'on fait ensemble, notamment des activités manuelles comme des coloriages, des mandalas. Et je prends le temps de bien lui indiquer « Regarde comme c'est joli lorsqu'on s’applique ». J'essaye de l'encourager, de valoriser. Par exemple, quand je me rends compte qu'elle s'est appliquée sur un de ses cahiers, je lui dis « C'est super, je te félicite ! ». Donc c'est un accompagnement qui se fait sur le long terme. On ne va pas tout changer en deux jours. Et puis à la maison, nous, on a mis en place beaucoup de routines, depuis qu’ils sont tout petits. Je le disais à l'instant, j'aime beaucoup les routines. Donc notamment sur le coucher. Nous, ils sont couchés toujours à heure fixe, autour de 20 heures. Parfois, ça fait un peu rigoler nos amis, parce que ça implique qu'on mange très tôt. On mange tous ensemble à 19 heures. Mais pour moi, c'est vraiment essentiel. Je sais que si mes enfants sont fatigués, en général, la journée du lendemain, elle est agréable pour personne. Sur les écrans… Il n'y a pas d'écrans à la maison la semaine. Mais ça, ça nous a libérés beaucoup de temps pour faire d'autres activités.
A.-L. T. : Il y a vraiment un investissement parental important.
L. C. : Exactement, oui. Les parents, aujourd’hui, ont souvent des vies très, très remplies. Les papas, les mamans travaillent. Et puis, parfois, la routine au quotidien prend le dessus, et finalement, les enfants, on va les chercher tard, on rentre, on fait le repas. On va les coucher, vite, vite, vite. Et puis il ne reste pas beaucoup de temps pour avoir des moments de qualité. Alors c'est pas forcément la quantité qui compte. Parce que l'idée, c'est pas de se culpabiliser parce qu'on rentre tard du travail – on n'a souvent pas le choix ! –, mais de se dire « Il vaut peut-être mieux prendre un quart d'heure, au retour du travail, où vraiment on se connecte avec son enfant. On lui parle, on lui fait un câlin, on discute sur la journée, on fait un jeu. Moi, ma fille, on joue aux cartes, on joue à la bataille ! Et du coup, comme elle se libère pendant qu'on joue à la bataille, elle me raconte toujours plein de choses. Ça dure un quart d'heure, mais l'enfant, ça lui permet de remplir son réservoir d'amour, de confiance. Et ensuite, souvent, il va nous permettre… Il va nous laisser le temps de faire le repas, de préparer les affaires pour le lendemain, etc. Alors que si on ne prend pas ce temps, on va avoir un enfant qui est beaucoup plus agité, qui va peut-être être dans nos pattes, qui va peut-être faire une crise de colère, etc. Donc je pense que c'est très, très important de prendre du temps pour se connecter avec ses enfants. Ça participe, ensuite, au bien-être de l'enfant, qui va pouvoir mobiliser ses capacités de concentration.
A.-L. T. : Alors il est bientôt l'heure de nous séparer, Laura. Et voici ma dernière question : quelle est votre recette S.O.S. quand vous n'avez pas le temps de cuisiner ?
L. C. : Alors, ma recette S.O.S… Nous, c'est ce qu'on appelle « nos soirées pique-nique ». On sort ce qu'on a dans le frigo, en général. Donc peut-être des tomates cerises, du melon, ou des carottes à croquer, selon la saison ; un peu de jambon, un peu de fromage. Et puis tout le monde est ravi de picorer ce qui lui plaît dans notre petit pique-nique. En ce qui nous concerne, mon mari et moi, c'est zéro effort de préparation.
A.-L. T. : C’est ça !
L. C. : C’est quand même un énorme avantage ! Et au final, c'est des moments de plaisir partagé parce que les enfants, ils adorent. Et puis nous aussi ! On en a plus ou moins régulièrement. Alors moi, je m'inquiète un peu quand les soirées pique-nique, ça commence à dépasser deux ou trois fois par semaine. Je me dis qu'il y a quelque chose qu’il faut que je repense ! Parce que je me dis « C'est pas possible » ! C'est arrivé. Il y a eu des semaines où, pour x ou y raison, c'était trop chargé et il y avait beaucoup de soirées pique-nique. Mais en général, on est plutôt autour d'une fois par semaine.
A.-L. T. : Laura, merci beaucoup.
Jambon Coquillettes, un podcast du magazine Bubble, la vie de famille… en vrai !