Dans cet épisode, souffle un grand vent de liberté ! Nous parlons des premiers pas, et des suivants, ceux qui portent votre bébé vers un monde nouveau à explorer.
Et pour nous accompagner et crapahuter avec nous, Aurélie Callet, Psychologue clinicienne et coach parentale, auteur des livres « Je ne veux pas » et « Je ne dors pas » aux éditions De Boeck supérieur et co-créatrice avec Clémence Prompsy du cabinet Kidz et Family.
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Kim Abramowicz : Dans cet épisode, souffle un grand vent de liberté. Nous parlons des premiers pas, et des suivants, ceux qui portent votre bébé vers un monde nouveau à explorer. Et pour nous accompagner et crapahuter avec nous aujourd'hui, Aurélie Callet : , psychologue clinicienne et coach parental, auteure des livres Je ne veux pas et Je ne dors pas aux éditions De Boeck Supérieur, et co-créatrice, avec Clémence Prompsy, du cabinet Kidz et Family. Aurélie, bonjour !
Aurélie Callet : : Bonjour Kim !
K. A. : Alors Aurélie, nous parlons aujourd'hui des parents d'enfants d'environ un an, qui commencent à marcher. Donc les enfants commencent à marcher… et les parents commencent à courir. On peut peut-être commencer par dire que c'est sportif, cette période, pour les parents.
A. C. : Oui, c’est ça ! Souvent, on a très, très hâte que ça arrive. Et puis quand ils commencent à marcher, on se dit : « Oh là là, ça ne tombe pas bien, là ! Avec les vacances qui arrivent ! » Oui, c'est vrai, on commence à courir, c'est ça.
K. A. : C'est vrai que ça arrive pas mal pendant les vacances. Et petit aparté avant de continuer sur ce sujet : on est d'accord que les enfants évoluent et grandissent plus vite pendant les vacances ?
A. C. : Oui. Ça, c'est complètement fou. Dès que vous avez vos enfants en vacances avec vous une semaine, quinze jours, quand vous les ramenez à la crèche ou chez la nounou, ou même la famille vous dit : « Mais c'est dingue ce qu'il a progressé ! » En fait, c’est avec les parents qu'on apprend le mieux.
K. A. : C'est incroyable. Et ça, c'est vérifié.
A. C. : Complètement vérifié.
K. A. : Alors qu'est-ce qu'on peut faire, Aurélie, très concrètement, pour se faciliter la vie, notre vie de parent, à cette période où l'enfant commence à vouloir explorer, toucher à tout, marcher partout ? Qu'est-ce qu'on fait ?
A. C. : Je pense qu'il y a plusieurs paramètres à prendre en compte. Il y a d'abord l'enfant que vous avez : est-ce que c'est un explorateur où le radar à bêtises est activé 24 heures sur 24 ? Ça, c'est plutôt ceux qui vont, dès qu'ils voient une prise, vouloir mettre les deux doigts dedans.
K. A. : Le radar à « exploration ».
K. A. : Oui… Nous traduisons par « bêtises ». Pour eux, c'est tout à fait…
A. C. : Oui, c'est ça. Mais il y en a quand même qui ne vont que sur les trucs dangereux, et qui ne nous arrangent pas du tout en tant que parents. Donc il y a ce type d'enfants-là, et d'autres où, en fait, ils sont plutôt relax. Ils explorent, mais en tout cas, ça n'est pas source de stress pour les parents parce que ce n'est pas vers des choses dangereuses. Donc bon, il y a ça. Donc ça, c'est du côté des enfants. Et du côté des parents, il y a les parents plutôt relax, et qui se disent : « Il explore tout, c'est cool. Je n'ai pas de choses fragiles chez moi. La déco, en gros, ce n'est pas très grave. » Et d'autres qui sont hyper stressés, angoissés que l'enfant puisse se blesser, et qui vont du coup vouloir mettre des coins de table partout, des cache-prises partout, même si ce n'est pas forcément le premier type d'enfants dont j'ai parlé, qui ont le radar très actif.
K. A. : Il y a peut-être cette notion de préparer le terrain. Préparer son terrain à soi, émotionnel : c'est-à-dire que si on sait qu'on va être hyper stressé parce que l'enfant va toucher à des bibelots, etc., une manière d'anticiper ça, c'est de mettre les bibelots en hauteur, par exemple. Et puis préparer le terrain de l’enfant. Est-ce qu'on peut déjà lui dire « Non, ça, on ne touche pas » ? Est-ce que ça marche, déjà ?
A. C. : On va le dire, parce que voilà, il faut le dire. Mais du coup, c'est un petit peu difficile, parce que eux, ils sont en période de découverte, et c'est compliqué, je trouve, qu'ils entendent comme seul et unique message du « Non, non, non, ne touche pas, ne fais pas ça, ne va pas là ». Ce n'est pas hyper engageant. Vous voyez ?
K. A. : C'est une période où ils ont l'impression de s'appeler Non !
A. C. : Oui. Alors que ça, c'est la marche. Et puis après, il y a encore la parole. En fait, on leur dit beaucoup, on est beaucoup dans la négation en tant que parent, « Ne fais pas, ne fais pas ». Donc c'est vrai que moi, je trouve que quand ils explorent la marche, c'est vraiment un gros truc. Ce dont vous parliez, s’il y a des gens qui ont des bibelots auxquels ils tiennent beaucoup, plutôt que de dire tous les jours à un bébé qui commence à marcher « Non, ne va pas là, ne touche pas », évidemment, enlevez-le. Parce que ça ne sert à rien de tous les jours… Et puis souvent, en plus, quand il y a un truc qu'ils adorent, ils vont y aller tous les jours. Donc si vous voyez que c'est problématique pour vous, pour votre conjoint, pour, je ne sais pas, le grand frère qui a sa super pile de jouets qu’il vient de monter, qui est construite, si systématiquement le bébé y va, oui, montez-le, ça évitera de toujours dire à celui qui est en phase d'exploration « Ne fais pas ci, ne va pas là, ne touche pas ça ».
K. A. : On peut regarder, toucher avec eux ? Alors évidemment, la pile de construction du grand frère ou de la grande sœur, c'est un peu embêtant parce qu’il faut aussi respecter la production de l'enfant plus grand. Mais un bibelot, même fragile, on peut, nous, l'avoir dans les mains, le montrer au bébé. Est-ce que ça va un peu atténuer sa curiosité ?
A. C. : En fait, ça peut atténuer la curiosité de toucher et de voir l'objet, mais très souvent, des objets qui sont en hauteur donnent envie de les attraper. Donc même si jamais il l'a exploré, le risque, c'est qu'il ait toujours envie de le descendre de là où il est.
K. A. : Donc ça veut dire qu'il y a aussi une notion de sécurité. Ce n'est peut-être pas la bonne idée, du coup, de mettre en hauteur. En tout cas, il faut s'assurer que le bébé ne le voit pas, c'est ça ?
A. C. : Oui, en gros, il ne faut pas qu'il voie. C'est exactement le même principe, quand vous avez des plus grands, si vous ne voulez pas qu'ils mangent des gâteaux tout seuls et qu’ils se servent dans les placards, ne les mettez pas à hauteur de vue, où ils ont juste à tirer au niveau de leurs jambes et qu’ils voient les gâteaux toute la journée. En fait, on se met un petit peu en difficulté, en faisant ça.
K. A. : Oui, encore une fois, c'est préparer le terrain. Du point de vue de la sécurité, justement : en fait, on sait que c'est une période où le bébé va beaucoup réagir en fonction des réactions de ses parents. Et parfois, on a des réactions un petit peu démesurées. C’est-à-dire qu'on s'imagine qu’il va se passer un truc terrible, que le bébé va tomber, va se faire mal. Et en fait, c'est nous qui voyons les choses comme ça. Comment on contrôle un petit peu ces craintes pour ne pas les transmettre à son enfant qui, justement, est, lui, à un moment crucial de prise de confiance, un peu, non ?
A. C. : Bien sûr. Et ça, c'est un vrai travail de parent, qui va se jouer sur la marche, mais pour toutes nos angoisses parentales ou nos angoisses d'adulte, si on ne souhaite pas les projeter sur son enfant ou que ça devienne les siennes. Ça, c'est un vrai travail de longue haleine, en tant que parent, de ne pas être dans la transmission de choses qu'on considère, nous, en tant qu'adulte, négatives pour eux. Mais c'est vrai que si jamais l'enfant est en train de se lancer et qu'on n'arrête pas de lui dire « Attention, non, non, tu vas tomber, tu vas tomber », le risque, en fait, c'est qu'il se décourage un petit peu et qu'il laisse tomber. Il faut que l'enfant voie que vous, vous avez confiance en lui.
K. A. : Comment on joue la coopération entre parents, à ce moment-là ? C’est-à-dire qu’il y en a peut-être toujours un qui est un peu plus angoissé que l'autre. Comment on arrive à dialoguer pour trouver la juste dose entre surveillance face au danger et liberté d'explorer ?
A. C. : Je pense que celui pour qui… D’ailleurs, c'est assez rigolo, on voit parfois des parents, par exemple au parc, avec un enfant qui commence à marcher, où il y en a un des deux qui dit « Moi, ça me stresse trop – les graviers, les portes, le machin –, il vaut mieux que j'y aille pas, parce qu'en fait, ce n'est pas du tout un moment qui est relax pour moi ». Donc l'autre parent, qui est un peu plus cool, va pouvoir l'emmener, lui, parce que lui, ça ne lui pose pas de problème. En tout cas, il ne faut pas hésiter, à la maison ou à l'extérieur, s'il y en a un pour qui c'est beaucoup plus facile et que c'est un moment qui est bénéfique pour l'enfant, celui pour qui c'est hyper anxiogène, il vaut mieux aller dans l'autre pièce et en gros, « Je regarde pas trop parce que je sais que moi, ça me stresse trop ». Et puis après, de toutes les façons, la peur n'évite pas le danger. On n'empêchera pas que l'enfant tombe. Mais en tout cas, ce qui compte, c'est que, vous, vous soyez toujours là, à côté, pour le relever, pour lui dire « Tu vas te relever, tu vas y arriver ». Il faut être que dans l'encouragement, finalement.
K. A. : Et il y a aussi une nécessité de prendre des risques : aujourd'hui, pour le petit bébé qui commence à marcher, mais aussi un peu plus tard pour l’enfant qui grandit. Tout au long de… J’allais dire « de sa croissance », mais en fait, tout au long de sa vie, il y a une nécessité de savoir prendre quelques risques. Et en fait, est-ce que ce n'est pas à cette période qu'on enseigne ça, aussi, à nos enfants ? « Vas-y, lance-toi ! » Prendre des risques, c'est obligatoire, en fait.
A. C. : Exactement. C'est prendre des risques. C'est le sens de l'effort. C'est « Tu vas tomber, mais tu vas te relever ». Parce qu'en fait, si jamais on n'est pas dans cet état d'esprit-là, de « On est obligé de passer par des petites chutes » – alors évidemment, tout danger mesuré parce qu'on est là et qu’on ne fait pas n'importe quoi, mais une petite chute de leur hauteur, s'il n'y a pas d'objet avec des bouts tranchants à côté, je veux dire, il n'y a pas de problème. Ils ne peuvent pas se faire quelque chose de grave. On est obligé de passer par là parce que sinon, on se dit : « Bon, on laisse tomber. La marche, pour moi, ça me stresse trop, c'est trop compliqué. On ne va pas y arriver. Je vais le laisser dans sa poussette tout le temps. » Vous voyez, on ne peut pas faire ça. De toutes les façons, c'est une étape qui est obligatoire, cruciale. Donc il faut les accompagner, qu’ils voient dans notre regard qu'on a confiance et surtout, ce qui est important, au-delà de la marche, pour l'enfant, c'est vraiment le désir et le fait que lui, il ait la possibilité et l'envie de se déplacer. Ça veut dire, en fait : « Si je marche, si je me lève, c'est que j'ai envie d'aller voir des choses. J'ai envie de découvrir. » Et c'est ça qu'il faut encourager.
K. A. : Vous parlez de la poussette, là, à l'instant. Ça me fait penser que c'est une période où il faut avoir beaucoup de disponibilité, beaucoup de temps. Parce qu'un enfant qui veut marcher à côté de la poussette, il faut prévoir le double de temps pour aller d'un point A à un point B.
A. C. : Exactement. Mais ça, c'est un vrai bon conseil, parce que c'est vrai que quand c’est des jeunes marcheurs, souvent, ils ont envie… Mais vous voyez, comme ceux qui vous disent « On prend la trottinette », et puis on voit tous les parents qui les portent au bout de deux mètres. Parce qu'en fait, au bout de deux mètres, ça les saoule, ils ne veulent plus faire de la trottinette, et on se retrouve à porter ça, plus le reste. Il vaut mieux compter un petit peu plus de temps si c'est pour déposer à la crèche, chez la nounou, pour ne pas dire à l'enfant « Dépêche-toi, dépêche-toi ». Lui, il vient de commencer à marcher. Ses jambes sont toutes petites, donc forcément, il se fatigue beaucoup plus vite. Donc on peut prendre la poussette, il peut marcher à côté. Mais effectivement, il faut compter plutôt le double de temps que d'habitude. Parce qu’en fait, le réflexe qu'on va avoir, c'est : « Comme on va être en retard, laisse tomber. Non, non, tu ne marches pas parce qu'on est trop justes. » Et donc on les met dans la poussette parce qu'on veut gagner du temps. Mais ça, c'est nos contraintes et nos problèmes d’adulte, ce n’est pas les leurs.
K. A. : Et ça, c'est problématique ? C’est-à-dire qu’on va aussi montrer au bébé qu'il y a des fois, il faut aller vite.
A. C. : Oui, bien sûr, mais ce qui peut être chouette, c'est de se trouver dans la semaine des moments où on sort, on est cool et on n’est pas pressé par le temps, et « Marche à ton rythme ». Petite astuce que je peux vous donner pour les enfants qui sont un peu dans l'entre-deux, c'est-à-dire qu’il y en a,ils ne veulent plus du tout la poussette, quand ils commencent à marcher. C'est ceux qui se raidissent, là, qui hurlent, qui ne veulent pas du tout qu'on les mettent dedans. Mais effectivement, ils marchent très doucement, ou ils essayent de dériver sur la route. Du coup, c'est un peu un stress, et tout ça. N'hésitez pas à prendre, il y a un truc qui marche en général hyper bien, c'est ou une poussette d'un bébé poupée – eux, ils poussent la poussette de bébé…
K. A. : Ce qui oblige à se concentrer et à rouler droit.
A. C. : Exactement. Ça, ou l'autre chose qui marche super bien, en plus, c'est hyper chou, c'est les mini caddies de supermarché.
K. A. : Ah oui, je vois bien, c'est sympa ! Il y a peut-être une troisième astuce, c'est de fixer une sangle à sa poussette, pour qu'il puisse tenir la sangle. C’est-à-dire qu’il ne donne pas la main, mais il donne la main à la poussette. Et c'est vrai que ça, j'ai expérimenté, et ça marche pas mal.
A. C. : Il tenait bien ?
K. A. : Oui.
A. C. : O.K.
K. A. : Il y a aussi ces sacs, en fait. Il y a aussi la possibilité de mettre… Il y a des sacs avec des doubles anses. Donc le parent porte le sac comme un tote-bag, et puis l'enfant tient l'autre anse. C'est pas mal, parce qu'on ne le frustre pas dans son désir d'autonomie et de marcher seul. Mais quand même, il tient quelque chose. Alors justement, quand on parle…
A. C. : Et après, il y a ceux qui ont un chien.
K. A. : Pardon ?
A. C. : Ceux qui ont un chien, aussi.
K. A. : Oui alors là, ça peut être dangereux, quand même !
A. C. : Et là, c'est le chien qui promène l’enfant !.
K. A. : L'enfant peut vite voltiger, avec un chien un peu vif ! Aurélie, alors justement, en fait, est-ce que ces premiers pas vont de pair avec un énorme besoin d'autonomie ? En tout cas, c'est l'impression que ça donne. Il y a des enfants un peu plus timides. Mais est-ce que d'une manière générale, on peut associer la marche avec le besoin d'autonomie ?
A. C. : C’est besoin d'autonomie et d'exploration, le désir de pouvoir faire un petit peu ce qu’on veut : « Si je marche et que je veux aller là, je n’ai pas besoin de demander l'autorisation ou qu'on m'y emmène. Je peux y aller tout seul. » Bien sûr.
K. A. : Et est-ce que les parents sont prêts à laisser cette cette autonomie à leur bébé ? Ou est-ce que c'est une révolution ? Qu'est-ce que vous voyez, vous, en général, avec les gens que vous rencontrez ? Est-ce que c'est quelque chose qui se fait naturellement et avec enthousiasme, de laisser la place à l'autonomie, ces tout premiers besoin d'autonomie ?
A. C. : Ça se fait naturellement parce que de toutes les façons, c'est le stade de l'enfant qui va passer par là, mais ce n'est pas facile pour tous les parents. Il y en a pour qui c'est vraiment coûteux. C'est source de stress, dont on parlait, le fait qu'il puisse se blesser, se faire mal. Il y a des parents pour qui c'est pas fastoche, quoi, comme période ! Parce que « Je sais que je ne vais pas l'empêcher de marcher, je ne vais pas le boucler dans une poussette ou dans un fauteuil roulant, non, de toute façon, il va bien falloir qu'il y aille », mais c’est des parents, par exemple, je ne sais pas, si vous êtes à une terrasse face à un jardin, c'est des parents qui vont être incapables de pouvoir apprécier le moment en jetant un œil. Ils vont se lever toutes les deux secondes. En fait, c'est difficile. C’est des parents pour qui, vraiment, c'est… Ils ont du mal à faire autrement. Et finalement, c'est leurs enfants, qui vont les rassurer, en leur montrant « Tu vois, je ne me suis pas blessé, je suis capable, j'y arrive ». Je trouve qu'en fait, en tant que parent, on progresse parce que nos enfants nous forcent à aller contre nos craintes. Et on se dit : « Oui, en fait, il est capable. Je me suis stressée, mais en fait, il ne se blesse pas. Ça va, en fait ! »
K. A. : En fait, on grandit avec nos enfants.
A. C. : Bien sûr, on apprend plein de trucs, avec eux.
K. A. : Alors, comment est-ce qu'on doit réagir aux premiers pas ? Est-ce qu'on félicite ? Est-ce qu'on encourage ? On dit souvent qu'il faut encourager, mais j'ai cette petite question de la juste dose d'encouragements, qui permet de ne pas frustrer l'enfant, notamment quand il ne reçoit pas de félicitations. Est-ce que ce n'est pas normal, en fait, de marcher ?
A. C. : C’est ça. Moi, je trouve qu'en faire des caisses, féliciter à outrance pour quelque chose… Vous voyez, c'est comme un enfant qui va se nourrir, ou un enfant qui dort, ou qui marche, ce sont des choses vitales, naturelles, normales. Donc d'encourager, ça c'est bien. Maintenant, si jamais à chaque fois on fait une danse de la joie, une ola à chaque fois qu’il fait trois pas, en fait, l'enfant risque de ne plus marcher parce qu'il a envie d'explorer et de s'autonomiser, il va marcher parce que « Cette réaction chez mes parents, elle est quand même super cool » ! Et donc en fait, il va le faire plus pour faire plaisir ou pour avoir cette réaction que pour répondre à un vrai besoin d'autonomie.
K. A. : D'une manière générale, est-ce que l'enfant a une capacité à se réjouir seul de ce qu'il accomplit ?
A. C. : Souvent, on voit ! Il y en a, ils se font des « auto-bravos » ! Ils sont contents d’eux, bien sûr !
K. A. : Ils ont raison !
A. C. : Carrément ! Évidemment que le regard de l'autre va jouer sur leur satisfaction. Mais parfois, on en voit qui arrivent à faire des trucs où ils sont hyper fiers d'eux. Des petites choses. Des transvasements, de réussir à ouvrir un tiroir pour choper un gâteau « alors que j'avais pas le droit ». Là, ils sont hyper contents d’eux.
K. A. : En fait, c'est pas mal de laisser l'enfant se réjouir tout seul, parce que ça va faire des adultes qui seront capables de se réjouir pour plein de choses plus tard, non ?
A. C. : De se réjouir et de se faire confiance, surtout.
K. A. : Est-ce que, Aurélie, la famille entière gagne en liberté quand Bébé commence à marcher ? C'est une période où les phases d'éveil sont plus longues, on peut sortir plus longtemps, on peut partir un petit peu plus loin. Est-ce que tout le monde y gagne ?
A. C. : Il y a beaucoup de parents qui vont vous dire qu'ils sont gagnants par rapport au sommeil, parce que pour ceux qui adorent marcher, ils sont quand même beaucoup plus fatigués. Et donc, il y en a qui vous disent : « Mais c'était l'embellie, par rapport au sommeil, parce que maintenant, le soir, il est crevé, donc il s'endort très, très vite. » Donc il y en a qui trouvent ça super par rapport à ça. Et, oui, bien sûr, ça joue sur la famille. À ce moment-là, ça arrive que lorsqu'il y a des frères et sœurs aînés, que ça provoque un petit peu de rivalité. Où là, les aînés peuvent être un petit peu plus compliqués parce qu'en fait, effectivement, c'est un gros truc d'avoir le numéro deux, numéro trois qui marche. Et donc c'est vrai que nous, en tant que parent – parce que déjà, on doit faire attention et tout ça, ça nous prend un peu de temps, en tant que parent – et donc les aînés ont un peu l'impression qu’on fait le focus, on attire beaucoup d'attention sur quelque chose qui, pour les aînés, leur paraît complètement normal, en fait, de marcher. Ils se disent un peu : « Mais pourquoi ils passent leur temps sur ce truc, alors que moi, on ne me félicite pas pour ça ? ». Donc il faut juste être attentif aux grands, à ce moment-là.
K. A. : C'est peut-être le moment de rappeler aux grands qu'on les félicite pour autre chose ?
A. C. : Bien sûr.
K. A. : Alors Aurélie, cette période, elle ne consiste pas seulement, pour l'enfant, à découvrir son univers spatial. Il découvre aussi bientôt qu'il a la possibilité de le modifier, cet univers, on l'a dit. Il peut déplacer des objets. Il peut apporter un livre pour qu'on lui lise. Qu'est-ce que ça va changer dans la relation familiale – avec vous, mais aussi avec les frères et sœurs ? En fait, l'enfant devient acteur ? Il exerce concrètement sa volonté ?
A. C. : Oui, c'est ça. Et puis ça joue vraiment dans les interactions. C'est l'âge où ils adorent, exactement ce que vous dites, aller chercher des choses, où on peut leur demander plein de petits… C'est l'âge où ils adorent, en fait, rendre des petits services : « Tu peux aller me chercher ci ? Tu peux aller… »
K. A. : C'est le moment d'en profiter, en fait !
A. C. : Oui, parce que ça ne dure pas. C'est comme la phase ménage, vous voyez ?
K. A. : C’est ça !
A. C. : À un moment donné, ils adorent. Et puis, bizarrement, ça passe, après, ça.
K. A. : Donc c'est l'âge où il faut leur demander de mettre la table !
A. C. : Oui, si elle n'est pas trop haute et que vous n'avez pas de la vaisselle à laquelle vous tenez beaucoup, beaucoup !
K. A. : Et là, encore une fois, il faut soigner l'environnement. Du coup, qu'est-ce que ça change, cet enfant qui vous apporte un livre ? C'est génial ! Ça veut dire que ça y est, il vous signifie qu’il veut une interaction, et pas n'importe laquelle.
A. C. : Ah mais ça, c'est génial ! Quand ils viennent avec quelque chose, l'exemple que vous donnez, ils viennent avec un livre, ça veut dire : « Voilà, je viens te voir, je te l'amène. » Là, on est obligé de dire oui, clairement.
K. A. : Alors justement, est-ce qu'on est obligé ? Ou est-ce que c'est le moment où on commence à dire non et on commence à frustrer, forcément ? On ne « commence » pas,'ailleurs, je pense que ça fait un moment, déjà, qu’on…
A. C. : Oui, moi je trouve que c'est chouette, toujours dans cette démarche d'encouragement. Si jamais on leur dit non un peu à toutes les tentatives qu'ils font, à la fin, en fait, ils ne vont plus le faire, parce qu'ils voient que ça ne marche pas, ou alors ça risque d'être source de grosse frustration. Après, c'est toujours un juste dosage entre ne pas dire oui à tout et ne pas dire non tout le temps. On peut très bien dire, s'il vient avec son livre et que ce n'est pas du tout le moment parce que vous allez passer à table, ou je ne sais pas, de lui dire : « O.K., j'ai compris. Tu veux que je te lise le livre. Regarde où est ce qu'on peut le poser pour que je te le lise dès qu'on aura fini de dîner. » Je n'ai jamais dit non dans ma phrase. J'ai juste différé, en fait, la demande, et évidemment, de le faire après.
K. A. : Oui, en fait, ça donne l'impression qu'on est vraiment dans un… On passe une phase éducative, côté parent. Est-ce que c'est ce moment où on va commencer, d'ailleurs – puisqu'il va être capable de le faire, puisqu'il déplace des objets ! – on va lui demander de ranger ses jouets. Voilà : est-ce qu’on rentre, de plain-pied, c'est le cas de le dire, dans une phase éducative ?
A. C. : Oui, ça commence tôt, mais typiquement, l'exemple que vous donnez, ranger la chambre, il ne sera pas capable de le faire tout seul. En revanche, de lui dire « Je le fais avec toi », c'est un travail d'équipe. En fait, on le fait ensemble.
K. A. : Alors un bon conseil pour ça, c'est de dire clairement où on met les choses : « Prends ce livre, mets-le dans la bibliothèque. »
A. C. : Tout à fait.
K. A. : « Prends ce doudou, mets-le dans le coffre. »
A. C. : Exactement. De lui indiquer où il peut mettre les choses ; ou vous, vous tenez la caisse où ça va, et c'est lui qui doit venir la mettre dedans. Il faut que ce soit vraiment ce que je disais, un travail d'équipe, pour rendre ça amusant, rigolo. Je veux dire, on n'est pas obligé de passer toutes les choses éducatives dans la douleur. Si on passe par le jeu, alors je ne vous dirais pas ça pour des enfants qui ont 7-8 ans, mais en tout cas, avec les petits, plus vous passez par le jeu, plus vous aurez leur coopération. Et finalement, dans ces moments du quotidien, où on n'a pas beaucoup de temps, on va rendre tout ça un peu ludique, rigolo. Symboliquement, il aura participé pour ranger, et c'est tout ce qui compte.
K. A. : Et, petite astuce pour les plus grands, peut-être mettre un disque, et de dire « Tu as la chanson pour ranger tous les livres » !
A. C. : Exactement. Ça, ça marche super bien.
K. A. : Pareil, c'est le jeu.
A. C. : Ça, ça marche super bien. Ils adorent remplir les machines à laver, mettre le linge dedans. Tout ça, profitez-en, parce que, une fois de plus, ça ne dure pas. Donc allez-y !
K. A. : Merci beaucoup, Aurélie, d'avoir été avec nous pour cet épisode !
A. C. : Merci, Kim ! À bientôt !
K. A. : On termine avec un petit récap’ de ce que l'on a appris aujourd'hui. Les débuts de la marche, c'est un moment crucial de prise de confiance pour l'enfant, qui nous oblige, nous parents, à prendre de sacrées mesures : mesures de sécurité, de gestion de nos propres émotions, de coopération entre parents. La marche enseigne à toute la famille que l'on peut – et même, que l'on doit – prendre, certaines fois, des risques mesurés. Et à votre avis, à qui cette étape enseigne-t-elle vraiment le sens de l'effort et celui de la patience ? La question reste posée… jusqu'au prochain épisode de L'Écho des berceaux ! À très bientôt !