Les fêtes de fin d'année arrivent avec leurs lots assurés de cadeaux et vous ne savez déjà plus où ranger leurs jouets ? Voici quelques arguments pour vous motiver à faire de la place sans culpabiliser !
Pourquoi tant de jouets
Deux phénomènes majeurs sont en cause : l’arrivée en masse de jouets très variés et bon marché, et l’apparition de « l’enfant roi ».
La sociologue Juliet Schor estime qu’en moyenne un petit américain reçoit… 70 jouets par an !
En l’espace de deux générations, une marée de produits a envahi le marché, aidée par l’arrivée, sur les chaînes de télé, de nombreux programmes pour enfants déclinés en autant d’objets à l’effigie de leurs héros. À peu près tout est devenu transformable en jouets (lacets colorés, pansements à la fraise, savon phosphorescent…). L’incitation à la consommation est énorme.
Présents également dans les supermarchés, les jouets, dont les modèles soumis aux effets de mode et sans cesse renouvelés, sont une denrée rendue alléchante, voire in-dis-pen-sa-ble, par les professionnels du marketing qui savent comment séduire nos apprentis consommateurs.
Aux USA, les dépenses publicitaires à l’intention des enfants sont passées de 100 millions de dollars en 1983 à 16 milliards par an trente ans plus tard. ( Cf. le livre de Kim J. Payne : Parents… tout simplement ! – Comment rendre nos enfants plus calmes, plus heureux et plus confiants - ed. Aethera (septembre 2001 ).
Alors comment résister à votre enfant qui réclame des cartes Pokémon, quand la récré est devenue une véritable place de marché ? Achetés tout au long de l’année, les jouets ont perdu de leur côté extraordinaire. La rareté n’est plus à la mode. Mais cette profusion n’est pas sans effets négatifs parfois surprenants…
Plus égal moins !
D’après une étude menée en 2018 par l’université de Toledo aux États-Unis*, la surabondance de jouets nuirait au temps et à la qualité du jeu. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, avoir moins de jouets permet de mieux se concentrer pour explorer et jouer de manière plus créative...
L'expérience :
Pour savoir si un environnement comportant moins de jouets induisait une qualité de jeu supérieure, quatre chercheurs ont proposé à 36 enfants de 18 à 30 mois, individuellement, deux séances de jeux différentes. Dans l’une, ils n’avaient mis que quatre jeux à la disposition des enfants ; dans l’autre, six. Ils ont alors observé que plus les enfants avaient de jouets, moins ils s’amusaient longtemps et de manière variée. Contrairement à l’idée répandue selon laquelle plus un enfant a de jouets et plus il joue, les chercheurs en ont conclu qu’avoir moins de jouets permet de mieux se concentrer pour explorer et jouer de manière plus créative. A contrario, quand il y en a un trop grand nombre, les enfants, sursollicités, n’arrivent pas à fixer leur attention, passant d’un jeu à l’autre. Résultat : ils jouent… moins long-temps ! Et avec moins de créativité.
Une surcharge sensorielle
Dans son livre Parents… tout simplement ! – Comment rendre nos enfants plus calmes, plus heureux et plus confiants, Kim J.Payne, consultant familial américain, explique que si les adultes peuvent tolérer un certain volume de bazar, il en va autrement pour les très jeunes enfants qui vivent si pleinement à travers leurs sens que, s’ils voient une chose, ils veulent aussi la toucher, la sentir, peut-être la manger, la mettre sur leur tête pour sentir ce que cela fait, l’écouter, la plonger dans l’eau… Ainsi, quand un petit enfant est submergé d’objets, il se produit une surcharge sensorielle. Origine de stress, cet excès de stimuli altère sa capacité de concentration et d’imagination.
Autre éclaircissement : celui d’Anne-Sophie Casal, psychologue responsable des secteurs Petite Enfance et Psychopédagogie au centre national de Formation aux Métiers du Jeu et du Jouet. Elle explique dans son livre Le Jeu de l’enfant : Du nouveau né à l'enfant de 6 ans (ed. Vuibert-2011) que, face à une pluralité de choix, le cerveau de l’enfant n’est pas assez mature : La profusion disperse l’attention de l’enfant, il est difficile pour les plus jeunes de faire des choix, de prendre des décisions ou de renoncer. Un peu comme quand on se retrouve devant un menu de dix pages et que l’on n’arrive pas à se décider : l’excès de choix est écrasant !
Histoire vraie :
Si une surabondance de jouets déstabilise particulièrement les tout-petits, elle n’en a pas moins un impact sur les plus grands. Kim J. Payne relate ainsi l’histoire d’Elise, 5 ans, et de son frère Mikey, 3 ans, qui se disputaient constamment au lieu de s’amuser avec leurs (très nombreux) jouets. Elise adorait organiser les jouets. Elle aimait les trier, les disposer et les aligner encore et toujours, en variant les configurations, expliquait la maman, tout en criant beaucoup car, ce qu’aimait son frère par-dessus tout, c’était casser les jouets et détruire les agencements de sa soeur ! Sur les recommandations de Kim J. Payne, les parents trièrent les jouets pour n’en garder qu’un dixième. Résultat : les disputes diminuèrent et les enfants se mirent à jouer. Quel lien avec la surabondance de jouets ? L’attitude d’Élise et de Mickey était essentiellement une réaction à la surabondance qui les submergeait, et non pas vraiment en réaction l’un contre l’autre. La réponse d’Elise face à tous ces jouets était d’essayer de les contrôler, de les contenir et de les classifier, alors que la réponse de Mikey était de les écrabouiller, décrypte Kim J. Payne. À la question vaut-il mieux un seul jouet de qualité et en adéquation avec les centres d’intérêts de l’enfant que plein de petits cadeaux, vous avez à présent la réponse…
Un jeu plus superficiel
Pour s’approprier un objet, pour en découvrir toutes les facettes, pour laisser l’imagination lui inventer d’autres usages, il faut du temps. Et des erreurs. Or, quand l’enfant croira avoir tout exploré d’un jouet, s’il en a pléthore à sa portée, il passera au suivant. Sinon… il aurait continué son exploration. Qui dit plus de jouets ne dit pas plus de jeu, mais plus de zapping.
Des enfants déboussolés et frustrés
Sa tante vient de lui envoyer un jouet pour son anniversaire et c’est à peine s’il le remarque ? À trop gâter ses enfants, on finit par les blaser. La nouveauté ne suscite plus leur intérêt. À titre d’explication, Kim J. Payne a imaginé ce qui se déroulait dans l’esprit des enfants : Je peux choisir ce jouet, ou celui-là, ou celui-ci tout en bas, ou encore ça : ils sont tous à moi ! Mais il y en a tant qu’aucun d’entre eux n’a de valeur.
Pierre avait noté quatre jouets sur sa liste au Père Noël. Il en manque un au pied du sapin. Au lieu de jouer avec les trois autres, il se met à pleurer, voire à piquer une crise de rage ? Rien de plus normal. À toujours répondre aux désirs de nos enfants, on risque de les rendre intolérants à la frustration. Et d’en faire d’éternels insatisfaits : le bonheur sera toujours dans ce qui doit arriver et qu’ils n’ont pas encore…
Des chambres surchargées
Leurs étagères menacent de s’écrouler, leurs placards débordent, le sol est jonché de morceaux de jouets en tout genre (aïe ! vous avec encore mis le pied sur une babiole acérée) et c’est à peine si vous arrivez jusqu’à leur lit pour les embrasser ? Pas étonnant qu’ils n’arrivent pas à ranger leur chambre. D’ailleurs, vous ne vous y risquez plus vous non plus. C’est mathématique : plus il y a de choses à ranger, plus c’est long et fastidieux…
*The influence of the number of toys in the environment on toddlers’ play par Carly Dauch, Michelle Imwalle, Brooke Ocasio et Alexia E. Metz.)
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