Pourquoi la nature est-elle essentielle à nos enfants ? Et comment les emmener à sa découverte ?
Dans ce 7ème épisode du podcast Jambon Coquillettes, nous recevons Emilie Lagoeyte. Enfant, ses amis l'appelaient Milou des Bois. Adolescente, elle ne quittait jamais son sac à dos et ses jumelles. Adulte, Emilie Lagoeyte est devenue animatrice nature puis maîtresse d'école. Très vite, elle se demande comment transmettre le goût de la nature aux enfants.
En 2016, elle quitte les bancs de l’école et crée le site militant Éveil et Nature. Au menu, des outils pour aider les parents à connecter leurs enfants au monde du vivant et une formation en ligne dédiée aux professionnels de l’enfance. Emilie a également partagé son savoir dans un livre, co-écrit avec deux acolytes, "Passeur de Nature" aux éditions Terre Vivante.
Maman de 2 enfants, Anna (7 ans) et Antonin (3 ans), elle témoigne dans ce podcast du cheminement de ses enfants à la rencontre de dame nature et nous donne 1000 astuces pour nous amuser avec nos enfants en pleine nature !
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LIENS
Son site
Sa formation à destination des parents
Son livre "Passeur de Nature"
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Anne-Laure Troublé : Bonjour Émilie !
Émilie Lagoeyte : Bonjour Anne-Laure !
A.-L. T. : Émilie, d’où vient cette passion pour la nature ?
E. L. : Je crois que c'est une vieille histoire, qui me vient depuis toute petite, sûrement. Et je pense que je la dois à certaines personnes de ma famille, que j'aime bien appeler mes « passeurs de nature ». Et je pense à mon papa, notamment, qui lui-même est un grand amoureux de nature, et qui m'a beaucoup amenée avec lui, sur des choses simples. Il était tout le temps en train de me dire : « Oh, regarde ! Regarde cet insecte, là ! Il y a un bousier qui pousse une crotte ! Oh, tu entends cet oiseau ?! » Il était beaucoup dans le partage et il l'est toujours, d'ailleurs. Ça me fait toujours sourire. Et puis, il m'amenait avec lui à la pêche, à l'aube, ou des choses un peu fortes comme ça. Son frère, mon oncle, pareil. Il m'amenait voir une mare dans son jardin avec une lampe torche, le soir, et donc on regardait les tritons, les écrevisses au fond de l'eau. Voilà. Ça, j'ai adoré. Et puis leur maman, ma grand-mère, qui jardinait beaucoup, qui aimait les plantes, les fleurs, elle me disait : « Tu sais, les plantes du jardin, elles sont belles quand tu leur parles. » Et en me disant ça, elle les touchait. Et moi, je me suis imprégnée de ça dès le biberon, en fait.
A.-L. T. : Génial ! Les enfants sont-ils plus éloignés de la nature que les générations précédentes ?
E. L. : C'est un constat, effectivement. On éloigne beaucoup plus les enfants, dans notre façon de vivre, que les générations précédentes, c'est certain. C'est sans doute pas le cas dans certaines familles, mais globalement, on est à un moment de notre société où la nature fait peur. La nature, à la limite, est bonne pour la santé, mais on la cloisonne dans certains espaces de nos vies. Si on revient ne serait-ce que deux générations en arrière, elle faisait partie de la vie de la plupart des gens, finalement. Donc oui, les enfants d'aujourd'hui sont beaucoup plus limités dans leur contact à la nature.
A.-L. T. : Et pourquoi est-ce si important que nos enfants soient en contact avec la nature ?
E. L. : On fait partie d'une espèce, qui est l'espèce humaine, qui est une espèce qui a évolué, comme toutes les autres espèces, dans son milieu naturel. Nos cellules se sont façonnées au contact de ce milieu naturel. On le porte dans notre patrimoine génétique. Et, du coup, pour l'enfant qui est dans ce milieu-là, ça va faire appel à tous ses sens. Par exemple, il va capter les odeurs, d'abord, de ce milieu. Ça va être des odeurs de terre mouillée ou de terre chaude. Ça va être les odeurs de fleurs, de parfum fleuri, de bouse de vache, qui sont autant d'odeurs qui lui donnent implicitement des informations sur son environnement, sur la météo, sur la saison. Ça va être les sons qu'il entend. Est-ce qu'il entend le bruit du vent dans les feuilles ? Est-ce qu'il entend bourdonner, butiner, chanter les oiseaux ? Tout ça aussi, ça le relie. Ça le relie au moment de l'année, au lieu où il se trouve, tt puis bien sûr, aux paysages qu'il a sous les yeux. La texture des feuilles, aussi, ce qu’il va pouvoir toucher. Enfin, bref. Mais tout ça, c'est un cocktail sensoriel extrêmement riche, qui est très nourrissant et qui nous relie chacun à nous-même, finalement, qu'on soit enfant ou adulte. Et de permettre à l'enfant d'être l'être en contact régulier avec ce côté foisonnant, ça lui permet d'être bien dans ses baskets, finalement.
A.-L. T. : Mais je crois qu'il n’y a pas si longtemps, ça m'avait étonnée j'avais lu que 99 % de la population française, il y a une centaine d'années, étaient tous paysans. Donc c’est vrai que le contact à la nature… Enfin, la rupture avec la nature est très récente, liée sans doute à l'urbanisation, aux nouveaux métiers du tertiaire. Mais comme tu dis, c'est des années, des années et des centaines d'années vécues auprès de la nature qu'ont vécues nos ancêtres.
E. L. : C'est ça. Et ça se passe de façon très rapide. Puisque là, en quelques générations, en deux ou trois générations, il y a un changement qui est énorme. Je ne me rappelle plus du nom de cette étude précisément, mais qui a étudié la distance qu'un enfant parcourt seul à pied depuis sa maison. Et il y a de ça trois générations, ça se comptait en kilomètres. Mais ça pouvait être 15 à 20 kilomètres. Une génération plus tard, ça se réduisait à quelque chose comme 5 kilomètres. Donc la génération qui va être celle de mes parents. Ma génération, enfants, nous, on était dans un rayon peut-être d'un kilomètre. Et nos enfants, actuellement, ça va se compter en centaines de mètres pour certains, et pour d'autres, même, en mètres. Voilà. Donc ça nécessite forcément une adaptation très forte. Et ça explique aussi en quoi cette coupure rapide et radicale a aussi des conséquences qu'on constate comme étant désastreuses dans certains cas, malheureusement.
A.-L. T. : Et je crois que tu m'expliquais aussi qu‘en tant que maîtresse, tu avais vu les bienfaits de sortir dehors par rapport à l'excitation des enfants.
E. L. : Oui, c'était très net. Oui, j'ai été professeur des écoles, pendant sept ans, et j'ai clairement constaté que dans les classes où on est tout le temps enfermés entre quatre murs, arrive rapidement une ambiance un peu d'excitation Même si on propose des projets intéressants aux enfants, et puis qu'on pose un cadre assez ferme. Du coup, c'est un peu un bras de fer quand même. En comparaison, aujourd'hui, je travaille beaucoup plus en extérieur avec les enfants, mais ce n'est pas du tout les mêmes problématiques.
Il y a très peu de problèmes. Les enfants sont beaucoup plus dans la joie, beaucoup plus dans la spontanéité. Ils ont leur espace pour… Un enfant qui a besoin de s'isoler, par exemple. Il peut le faire, sans aller très loin. Mais d'un point de vue phonique, il peut être un peu plus loin de ses camarades. Du coup, il se ressource. Le même enfant, il aurait été dans une classe, peut-être qu'il aurait fini par faire une crise, parce qu‘il n'a pas pu se ressourcer, c'est trop pour lui et il craque. Quand on est dehors, tout ça, c'est différent. On se ressource autrement, et du coup, on vit d'autres choses.
A.-L. T. : Oui, ça apaise les enfants. Et tu me parlais aussi de la créativité ?
E. L. : Oui, tout à fait. Du coup, pour une raison, d'un côté qui est très évidente, le milieu naturel est foisonnant. Il y a des écosystèmes, des cycles, des espèces très variées qui, forcément, viennent nourrir l'imaginaire de chacun, viennent permettre d'exprimer sa créativité autrement. Par exemple en utilisant différentes matières. Ça peut être à la fois des matériaux, à la fois des environnements. Des environnements sonores, toutes les choses dont on peut s'inspirer, finalement, qui viennent nous nourrir, qui viennent nourrir notre imaginaire. Donc forcément, oui, la créativité est beaucoup plus nourrie et peut davantage s'exprimer.
A.-L. T. : Et quelle a été ton expérience de maman ? Comment tu t'y es prise, pour connecter tes enfants à la nature ?
E. L. : Quand j'ai eu ma fille, au début, j'ai été dans cette spontanéité de l'emmener avec moi en balade. Je l'ai beaucoup trimballée en porte-bébé, à droite, à gauche, en montagne, dans les endroits que j'aimais bien. Et puis j'avais vraiment à cœur, quand elle était toute petite, de la laisser autant que possible explorer ce milieu par elle-même. Donc la laisser toucher autant que possible. Je me revois à quatre pattes près d'elle pour vérifier qu'elle ne mettait pas à la bouche des choses dangereuses, ou… Tu vois, je cherchais la limite entre le moment où j'allais intervenir. Mais je n’intervenais pas tout de suite, pour qu'elle vive quand même son expérience. Je ne sais pas si c'est grâce à ça, mais en tout cas, elle a développé une attitude d'exploration, déjà, très clairement. Et puis en même temps, consciente. C'est-à-dire, typiquement, elle ne met pas n'importe quoi à la bouche. Elle ne s'est jamais intoxiquée du tout. Elle ne s'est jamais mise en danger. Et, maintenant, elle a sept ans et demi, je lui fais complètement confiance. Elle est très liée aux plantes, notamment. Elle a très tôt appris quelle plante pouvait être comestible. Ça l'intéressait beaucoup. Donc elle est devenue experte, à son niveau. Pour autant, elle n'a pas toujours envie d'aller dehors. Pour autant, là, elle a eu une période, par exemple, où elle voulait découvrir les jeux vidéo, où elle a aussi ce côté là… Voilà, c'est avant tout un enfant qui vit dans son époque, en lien avec les autres enfants. Et je ne veux pas la couper de ça non plus. Donc, bon, je dirais qu'il y a des aléas, il y a des hauts et des bas. Et après, pour son petit frère, Antonin, il n'avait pas du tout le même tempérament. Lui, il mettait les choses à la bouche. N'importe quoi. Il aurait été capable de tout avaler. Donc ça a demandé beaucoup plus de prudence et ça a duré beaucoup plus longtemps. Anna, rapidement, elle a compris. Antonin, non, lui, même encore… Non, aujourd'hui, voilà, il commence à faire attention. Mais ç’a été beaucoup plus long. Donc j'en ai déduit que ce n'est pas parce qu'on a commencé très tôt que ça permet forcément de développer une conscience, rapidement, de ces dangers-là. Et puis il est beaucoup plus à s'engager physiquement, donc à grimper sur des choses, même s‘il dégringole. Et il va dégringoler cinq fois au même endroit. Et la sixième, il va recommencer, il va refaire pareil !
A.-L. T. : J'ai l'impression que le contact avec la nature, il est assez évident, pour les tout-petits. Ils sont tellement curieux, il y a tellement de choses à découvrir qu'on n'a pas besoin vraiment de les guider. En revanche, quand ils commencent à grandir, à prendre conscience des écrans, comme tu disais pour ta fille, ça devient un peu plus compliqué. Et les ados encore plus. Comment, justement, on peut continuer à intéresser nos enfants à la nature, au fur et à mesure du développement de leur petite vie ?
E. L. : Oui, alors… Bon, déjà, de mon expérience, je constate que c'est vraiment aléatoire. Je le vois aussi avec mes deux enfants. Et même Antonin, qui est encore tout petit, là, pendant tout l'hiver, il ne faisait pas beau, il faisait froid. Autant sa grande sœur, du coup, elle mettait un gros manteau, mais alors lui, il n'avait pas du tout envie de mettre les pieds dehors par ce temps-là. Donc, bon, des fois, on le poussait un peu. On l'a un petit peu forcé. Parce que souvent, une fois dehors, ça se passe bien. Et puis des fois, même pas ! Des fois, une fois dehors, il n'avait qu'une envie, c'était de rentrer. Nous, ça nous a mis un peu en difficulté en tant qu'adultes, parce qu'on en avait sûrement prévu d'autres choses ! Par rapport aux enfants, déjà, aux enfants qui grandissent, arrive un moment où, clairement, c'est plus juste le plaisir de patouiller dehors, de cueillir les pétales, de faire monter les petites fourmis sur le doigt. Parce que tout ça, vraiment, le tout-petit… Pour l'instant, je ne connais pas un tout-petit que ça ne captive pas, d'une façon ou d'une autre. Après, passé 5, 6 ans, je sens bien que le lien aux autres enfants commence à être très important. Donc il y a ce qu’on partage nous, parents, avec l'enfant. Mais le fait d'inviter des copains, copines, des cousins, cousines, ça rajoute une dimension ou une motivation qui est quand même autre. Il y a cette possibilité de jeu libre aussi, entre enfants, sans les adultes. Donc à nous de voir comment, quel cadre on pose pour eux, pour être tranquilles, pour ne pas prendre de risques. Mais je sens bien que nos enfants adorent jouer sans qu'on soit sur leur dos, en fait, entre copains, copines. Et ils se nourrissent autrement. Et puis, il va y avoir les choses un peu exceptionnelles. Soit, par exemple, randonner avec un âne, louer un âne à la journée, ça crée une grosse motivation et c'est l'occasion d'une belle balade, et d'un contact avec l'animal, aussi, qui est précieux. Ça peut être des petits exploits. Par exemple, de gravir un sommet, sans que ce soit très difficile, mais voilà, trouver une balade où on arrive au sommet d'une colline avec une vue magnifique, un belvédère en haut, une table d'orientation. Quelque chose d’un peu exceptionnel. Et puis tout ce qui est autour de la nuit, aussi, qui très important. Je pense au crépuscule, notamment, qui est assez facile à apprivoiser. Mais d'organiser une sortie au crépuscule avec la lampe frontale, c'est toujours un moment hyper intrigant pour les enfants, et en plus, on fait des rencontres incongrues. Peut-être qu'on va avoir une salamandre qui se faufile, ou des choses qu'on ne voit pas d'habitude en journée. Et là, au moment où je vous parle, en fait, demain matin, nous, en tant qu‘Éveil et Nature, on organise une balade avec des familles, très tôt le matin, qu'on a appelé l'Aube des oiseaux. Et donc le but de cette balade. ça va être de vivre l'aube, donc avant le lever du soleil jusqu'au lever du soleil, en pleine nature, et d'observer qu'est ce qui se passe pour les oiseaux. Donc, au début, on n’entendra pas d'oiseaux. Et puis, petit à petit, on va peut-être entendre un rouge-gorge, qui commence à siffler. Et puis arrivera un moment où il y aura un tout un concert d'oiseaux, qu'on va peut-être essayer d'identifier ou de voir. Et on va vivre ça ensemble. Donc c'est des familles qui viennent avec leurs enfants. On a des petits, le plus jeune aura 3 ans. Et puis des plus grands, vers 7, 8 ans. Donc, on va vivre ça ensemble. On va en parler ensemble aussi. Et ça, je trouve qu’à la fois, de vivre l'aube, c'est captivant pour les enfants, à la fois de le partager avec d'autres familles, c'est aussi un plus, ça rajoute quelque chose. Et donc, pour terminer, j'en viens plus aux adolescents. Et c'est vrai que là, on arrive au moment où c'est peut-être plus délicat pour les parents. Il y a un truc qui devient évident, c'est que l'adolescent a besoin des copains, des copines, de vivre des aventures entre ados, et puis d'exister dans le groupe. Il y a vraiment la notion de groupe, qui devient importante. Alors quelle aventure on propose aux groupes en lien avec la nature ? Ça peut être un défi ou, je ne sais pas, l'idée de bivouaquer ensemble avec le groupe d'ados. Et puis il y a l'idée, pour l'adolescent, d'accomplir un « exploit », entre guillemets, sans que ce soit forcément très exceptionnel, mais devant les autres. Et je pense à ces garçons, par exemple, qui font des démonstrations de force pour fendre du bois ou ce genre de chose, ou réussir à allumer un feu, et qui se mettent en scène, mais c'est important, pour eux, à ce moment-là, de le vivre, et le milieu naturel est un bon endroit pour trouver plein de défis comme ça, à leur hauteur, et qui seront amusants aussi. Après, à nous de jouer en tant que parents pour rendre ça possible, avec ou sans nous.
A.-L. T. : Et d'ailleurs, c'est assez simple – enfin, « c'est assez simple »… –, c'est beaucoup plus simple quand on habite à la campagne ou qu'on a un jardin. Mais beaucoup de parents d'enfants vivent en ville, en centre-ville. Comment connecter nos enfants quand on est entourés de murs et d'immeubles?
E. L. : Oui. Alors il y a un outil que j'aime bien, qui s'appelle la Pyramide de reconnexion à la nature qui, à mon avis, répond bien à cette problématique. L'idée de cette Pyramide, c'est qu‘au socle de la pyramide, il y a « Qu'est-ce qu'on peut faire tous les jours pour avoir un contact au milieu naturel ? ». Et donc, ça va être vraiment des choses très simples Par exemple, de tendre l'oreille pour écouter l'oiseau qui chante. Mais de le faire en conscience, vraiment, de porter attention.
En ville, on a des merles, on a des rouges-gorges. C'est typiquement les oiseaux chanteurs, siffleurs, qui sont agréables à écouter. Et ils y sont, en ville. Ils sont là. Les mésanges, elles y sont. Voilà. Ça va être de prêter attention à la force de la nature en ville. Ces fleurs qui arrivent à pousser, à soulever le bitume, les odeurs qu'on va pouvoir sentir quand on longe un parc. Et puis bien sûr, quand il s'agit des enfants, de leur permettre de vivre ça, d'en prendre conscience, de le partager. Et les Anglo-Saxons ont un terme, aussi, qui est pas mal, c'est la green hour. C'est cette heure de verdure quotidienne qu'on essaye de faire vivre aux enfants. On essaye, si on peut. Et puis si c'est pas une heure, ça peut être un quart d'heure. Mais voilà, prendre un quart d'heure pour laisser l'enfant s’ébattre dans un parc un peu librement, je pense que ça ne peut que lui faire du bien. Donc ça, c'est le socle de la Pyramide. À l'étage au-dessus, on a ce qu'on va essayer de faire au moins une fois par semaine. Donc, on est déjà dans quelque chose qu'on va organiser. Donc ça va être une balade la journée, par exemple. On choisit d'aller dans un parc. Et en plus, en ville, il y a de très beaux parcs, où on voit des animaux qui ne sont pas trop farouches, des écureuils, des canards. À la campagne, finalement, des fois, ce n'est pas si évident que ça. Donc c’est, voilà, trouver le parc sympa dans lequel aller. Ou alors, prendre les transports en commun pour aller au dernier arrêt qui est en campagne. Ce genre de choses. L'étage encore au-dessus, ça va être « Qu'est-ce qu'on fait une fois par mois ? ». Qui, là, est encore un peu plus exceptionnel. Je ne sais pas, ça peut être d'organiser un week-end. Si c'est à la belle saison, un week-end où on va camper plus dans la nature, ou alors, on va dans un gîte. Ou alors, on se fait une journée avec une autre famille à se faire une randonnée. Bref, selon ses propres centres d'intérêt, en fait. Et puis, tout en haut de la pyramide, on a « L'aventure grandeur nature ». Donc là, c'est ce qu’on va faire peut-être en été, pendant nos vacances, où on se prend une semaine au grand air, et à nous de faire au mieux pour vraiment retisser ce lien. Au mieux. Ou ça peut être les camps d'ados ou d'enfants auxquels on va inscrire nos enfants. Et là, il y a des associations extraordinaires qui proposent des trucs super.
A.-L. T. : Le scoutisme, aussi. Je pensais au scoutisme.
E. L. : Le scoutisme, bien sûr. Tout à fait. D'ailleurs, le scoutisme applique un peu cette fameuse pyramide, avec à la fois des choses quotidiennes ou régulières, et puis des camps plus exceptionnels et où, là, on se nourrit aussi de ça.
A.-L. T. : Cette pyramide, on peut la retrouver sur ton site ? Qu'est-ce qu'on peut trouver sur ton site quand on est parent et qu'on cherche des idées, justement, pour des activités dans la nature ?
E. L. : Cette pyramide, elle est dans le livre que j'ai écrit, mais du coup, on y viendra. Et par contre, sur le site internet, on a… Sur le site Éveil et Nature, on a mis en ligne plusieurs outils, que nous on utilise en tant qu'animateurs nature ou enseignantes nature, qui sont faciles à utiliser et qui sont un peu des inducteurs. En gros, des outils que, quand on les a dans les mains, ça nous donne envie de faire quelque chose en lien avec la nature. Donc je vais donner un exemple. On a un outil que j'ai conçu, qui s'appelle l'Empreintoscope, qui est une sorte de trousseau d'empreintes d'animaux, qui sont imprimées sur du papier transparent. Donc ça nécessite d'avoir une imprimante laser, qui peut imprimer sur des feuilles transparentes. Et ensuite, on découpe ça, on fait un trou dans, on relie tout ça. Et donc, on a ce petit trousseau d'empreintes qui permet, quand on a une empreinte sous les yeux, d'essayer d'identifier de quoi il s'agit, par transparence. Donc, par exemple, j'ai une empreinte de chien ou de renard sous les yeux. Je cherche ma fiche empreinte qui ressemble et je la pose dessus, et voilà, ça me confirme : « C'est plutôt un renard, c'est plutôt un chien. » Si je retourne, au verso, on a imprimé la photo de l'animal en question et son nom, de sorte que les enfants, même s'ils ne savent pas lire, ils peuvent l'utiliser en autonomie. Et ça, c'est un outil, quand on le met entre les mains d'un enfant, en fait, il n'a qu'une envie, c'est de l'essayer. Donc il demande : « Où est-ce qu'il y a des empreintes ? Ah ben… On est où, là ? Là, on est dans la cour de récré, il n'y a que du béton. Donc qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse ? Où est-ce qu'il faut qu'on aille ? Si on allait dans le petit bois, là-bas, à la sortie du village, on pourrait en trouver. O.K., comment on peut le faire ? » Enfin voilà, on s'organise pour réussir à trouver l'empreinte. Et du coup, on a franchi le premier pas, qui est le plus difficile, finalement : c'est réussir à sortir avec l'enfant, ou avec les enfants, à être dans le milieu naturel et à être à l'affût de quelque chose – et là, en l'occurrence, d'une empreinte. Et ce qui est chouette, c'est qu'en plus, ça nous met en réussite parce qu'on trouve quasiment toujours au moins une empreinte. Et du coup, c'est l'occasion de se relier à l'animal qui a laissé cette empreinte en se demandant : « C'est quel animal ? Et où est-ce qu'il vit ? Mais tu crois qu'il est là, caché dans le fourré, qui nous observe ? D'accord. Et qu'est-ce qu'il mange ? Tiens, regarde, il y a des cynorrhodons – les petites boules rouges, là, qu’il y a sur les églantiers. Peut-être qu’il mange ça ? Oui, regarde, il y a une crotte au milieu du chemin, et on voit qu'il y a des boules cynorrhodon dedans, donc il a dû en manger : ça doit être un renard, il mange du cynorrhodon. » Et voilà. Et là, du coup, on est ancrés dans ce territoire, avec l'animal qui y vit. Et l'enfant, il est avec son outil dans les mains, et c'est l'outil qui a permis ça.
A.-L. T. : Et dans ton livre, qu'est-ce que… Dans ton livre, je rappelle le titre : Passeur de nature. Tu l’as écrit en 2019, il y a trois ans. Tu as réuni d'autres outils, d'autres idées pour connecter nos enfants ?
E. L. : Oui, c'était le but. Justement, ce livre, il a été bâti sur la Pyramide de reconnexion à la nature, et donc, on lui a mis un chapitre par étage de la pyramide. Donc il y a le premier chapitre, c'est la base et ça va proposer des activités qu'on va faire au quotidien, des petites choses simples de tous les jours. Ensuite, l'étage numéro deux – il y a quatre chapitres. L'étage numéro deux, ça va être une fois par semaine, qu'est-ce qu'on peut faire ? Et donc, par exemple, en été, on peut observer les petites bêtes qu'on trouve dans le ruisseau, sous les galets. Du coup, on a proposé un support visuel qui permet d'identifier certaines petites bêtes dans l'eau. Et grâce à ces petites bêtes, on peut même avoir une idée de la qualité de l'eau du ruisseau. Donc ça fait un lien à l'écologie, vraiment. Il y a la pollution, et ce genre de choses.
Et donc, pour chaque étage, on propose comme ça différentes sortes d'activités. Toujours, le but, c'est qu'elles soient simples et qu'elles soient à la portée de tout le monde. Même si on pense qu'on n’y connaît rien, voilà, on peut essayer.
A.-L. T. : Tu aussi, sur son site internet, une formation en ligne pour les professionnels de l'enfance. Tu peux nous expliquer en quelques mots en quoi ça consiste ?
E. L. : Cette formation, on l'a appelée Passeur de Nature, donc elle s'adresse aux professionnels de l'enfance qui aimeraient jouer ce rôle de passeur de nature auprès des enfants dont ils ont la responsabilité. Donc ça va être soit pour des enseignants, qui veulent sortir avec leurs élèves. Soit pour des personnes, des animateurs ou des animatrices, ou des porteurs de projet, qui veulent développer une structure d'ateliers nature avec les enfants, ou avec les familles pour des enfants à partir de 3 ans et jusqu'à 11, 12 ans à peu près.
A.-L. T. : Alors il est bientôt l'heure de nous séparer. Et voici mes deux dernières questions : qu'évoque pour toi le jambon-coquillettes ? Et quelle est ta recette S.O.S. quand tu n'as pas le temps de cuisiner ?
E. L. : Jambon-coquillettes, pour moi, c'est la vraie vie. Sans fard, sans maquillage. Voilà : on a des beaux principes de vie et parfois, on arrive à les appliquer. Je ne sais pas, on voudrait manger bio, manger végétarien, manger… Je ne sais pas. Et puis dans la vraie vie, déjà, on a des enfants qui kiffent le jambon ; les coquillettes, c'est cuit en cinq minutes. Donc pour moi, jambon-coquillettes, c'est aussi pour pouvoir vivre sereinement des moments peut-être un peu complexes, on a besoin aussi de lâcher du lest sur d'autres moments de la vie quotidienne. Jambon-coquillettes, ça me semble un bon outil. Moi, qu'est-ce que je donne… C'est quoi la recette plan B ? C’est…C’est jambon-coquillettes !
A.-L. T. : Non ! Trop facile !
E. L. : C'est vrai qu'on n'a pas toujours du jambon dans le frigo. Mais les coquillettes, si ! Je les achète par cinq kilos, clairement. Et donc ça va être coquillettes avec ce qu'il y a dans le frigo. Mais coquillettes tout court, ça ne les gêne pas, mes enfants !
A.-L. T. : Merci beaucoup, Émilie, pour ce moment d'échange. Et vive les vacances pour mettre en pratique tes nombreux conseils ! J'ai hâte de me plonger dans le livre et de l'utiliser avec mes enfants les week-ends et les vacances. Merci beaucoup pour toutes ces astuces.
E. L. : Merci à toi, Anne-Laure !
A.-L. T. : Et à bientôt !
E. L. : À bientôt !
Jambon Coquillettes, un podcast du magazine Bubble, la vie de famille… en vrai !