D’un côté, la théorie. Ici, la réalité ! Sur son blog « Cool Parents make Happy Kids », Charlotte Ducharme – maman de 2 enfants de 2 et 5 ans – nous initie aux arcanes de la parentalité positive avec des exemples concrets vécus avec sa tribu. Devant le succès de son blog (plus de 40 000 fans sur Facebook ; plus de 20 000 lecteurs assidus à sa newsletter), elle a publié un excellent livre au titre éponyme. Interview.
Où avez-vous appris la parentalité positive ?
Bonne question... Je ne l'ai pas apprise à vrai dire, mais je l'ai mûrie tout au long de ma vie. J'ai eu la chance d’avoir une grand-mère extraordinaire avec qui nous échangions beaucoup sur les relations humaines : elle était un modèle pour moi dans sa façon d'être. Et puis j’ai travaillé près de 10 ans dans les ressources humaines, j’ai assisté à de nombreuses conférences et événements professionnels, ce qui a enrichi mes convictions, ensuite confirmées par quelques lectures. Mais l’essentiel, je crois, est que je suis particulièrement sensible au ressenti des enfants. Je suis naturellement très empathique avec eux, et c’est ce que j’essaie de transmettre aux parents qui me lisent.
Quels en sont les principes essentiels ?
Le principe essentiel est de garder en tête qu’un enfant apprend avant tout par imitation. Si l’on crie pour qu'il se tienne bien à table, on lui apprend d’abord à crier. Rien de plus efficace en revanche que de lui montrer l’exemple. L'objectif est de se comporter avec nos enfants comme nous aimerions qu'ils se comportent avec les autres. En cherchant à obtenir des choses par la force, les menaces ou les critiques, tout ce que l’on apprend à un enfant, c’est à faire de même avec ses camarades, et plus tard avec ses amis, sa famille et ses collaborateurs. On reproduit toujours ce que l’on a vécu chez soi, auprès de ses parents et notamment les mêmes modes de communication.
Le 2e principe est de sortir du rapport de force. Lorsqu’on demande quelque chose à un enfant, l’important est qu’il comprenne pourquoi on le lui demande. Les menaces et les punitions ne sont vraiment pas le meilleur moyen pour y arriver ! Au contraire, elles attaquent directement l’enfant et lui font perdre sa confiance en lui.
Au fond, si je veux que mon enfant arrête de taper sur son copain, est-ce que je veux qu’il le fasse parce qu’il comprend que ça fait de la peine à son ami, ou simplement parce qu’il a peur que je le punisse ? Est-ce que je veux que mon enfant débarrasse la table parce que sinon je risque de me fâcher, ou parce qu’il sait que ça m’aide vraiment ?
Enfin, le 3e principe important, c’est de ne surtout pas lui coller d’étiquette. Il n’existe pas d’enfant intrinsèquement méchant, indiscipliné ou colérique. S’il adopte ce type de comportement, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Et, en tant que parents, nous devons l’aider à trouver et à exprimer ce problème, plutôt que de sanctionner ses mauvais comportements qui ne sont finalement qu’un symptôme.
Qu’entendez-vous par « rapport de force » ?
Je vous donne un exemple concret : vous dites 4 fois à votre enfant de venir de mettre ses chaussures et il ne vient pas. Vous pouvez vous énerver et avoir le sentiment qu’il n’obéit pas « pour vous embêter ». Mais il est peut-être simplement absorbé par son activité…
En s’énervant (« Maintenant, tu mets tes chaussures, et tout de suite ! »), on perd de vue l’objectif initial (mon enfant doit mettre ses chaussures car on doit partir) et l’on poursuit un objectif d’obéissance (mon enfant doit mettre ses chaussures car je le lui demande et qu’il doit m’obéir). On rentre là dans un rapport dominant/dominé qui n’est ni efficace, ni favorable à la confiance en soi de l’enfant. Car, même si l’enfant finit par se soumettre, sa colère intériorisée pourra ressortir à tout moment, sans même que l’on puisse faire le lien.
Pourquoi parle-t-on d’une éducation « positive » ?
Pour la petite anecdote, ce n’est que 6 mois après avoir écrit mon blog que j’ai découvert le terme d’« éducation positive » ! Ce type d’éducation est dit « positif » car il se fonde sur des a priori positifs : l’enfant n’a aucune volonté de nuire et il n’est pas intrinsèquement mauvais. Il est également dit « positif » car il utilise des outils « positifs » en lieu et place des punitions et menaces habituelles : empathie, communication et ouverture d’esprit. Il n’existe évidemment pas de « pédagogie négative », mais l’on peut dire que la pédagogie positive s’oppose à la pédagogie « traditionnelle », coutumière des critiques, des menaces et des punitions.
Y a-t-il de la place pour l’obéissance et les règles ?
Pour ce qui est de l'« obéissance », c’est plutôt une question de terminologie. Par obéissance, on entend souvent soumission : « Tu dois faire ce que quelqu'un te demande parce qu'il te le demande, et peu importe ce que tu en penses ». Or, je ne souhaite à personne de devoir obéir contraint et forcé, quitte à aller à l’encontre de ses propres valeurs ! Je préfère donc utiliser le terme de « coopération » : évidemment, je souhaite que mon enfant coopère en mettant ses chaussures, en rangeant sa chambre, en jouant avec sa soeur… Mais je préfère qu’il le fasse en comprenant et en intégrant pourquoi c’est important, et pas simplement parce que je lui fais les gros yeux ou que j’élève la voix !
Quant aux règles, je dis : oui, évidemment ! La pédagogie positive est trop souvent confondue avec du laxisme. Or, je prône au contraire l’établissement de règles sur lesquelles on ne transige pas. Ce qui va changer dans l’éducation positive, c’est la façon que l’on aura de faire respecter ces règles.
Qu’est-ce qui est le plus difficile à appliquer ?
Lire mon livre, c’est facile, et ça donne généralement envie de continuer dans cette voie. Mais le plus difficile, c’est d’adopter ce nouveau point de vue. C’est d’arriver à prendre le recul nécessaire pour ne pas être en « réaction » en laisssant jaillir sa colère, mais de savoir temporiser pour comprendre la situation et y répondre de façon adaptée. Pour y parvenir, il faut apprendre à se calmer, à atteindre une certaine sérénité… Attention : je ne dis pas qu’il faut devenir un maître zen du jour au lendemain pour être un bon parent ! Il y aura toujours des moments de colère et de stress, des jours où nous nous ne saurons pas faire autrement que de nous énerver. C’est normal, et ça a même quelque chose de rassurant pour l’enfant : mon parent n’est pas parfait, lui non plus ; ça lui arrive de sortir de ses gonds et de dire ou de faire n’importe quoi !
Quand l’un de vos enfants ne vous écoute pas et refuse de mettre son manteau, par exemple, comment réagissez-vous ?
Pour l’exemple, c’est un non-sujet chez nous (je vous rassure, on en a d'autres !). Personnellement, je n'ai jamais obligé mon enfant à mettre son manteau : un enfant qui a froid voudra mettre son manteau, mais pas quand il est encore au chaud à la maison. Dans ce cas, je prends son manteau sous le bras et, une fois dehors, je le lui enfile.
On a aussi souvent l'impression que nos enfants ont froid alors qu'ils bougent beaucoup plus que nous, et qu'ils devraient par conséquent avoir beaucoup plus chaud ! Mais il n’y a aucune raison pour qu’un enfant qui a froid ne mette pas son manteau… quel intérêt pour lui ? Personne n'aime avoir froid ! Il faut savoir leur faire confiance.
Parfois on a tellement insisté pour que ce fichu manteau soit mis que l’enfant entre en rébellion et ne le met pas, dans l’unique but de montrer qu’il résiste et qu’il ne se laissera pas faire ! Et l’on retourne alors dans le rapport de force...
Pensez-vous que vos enfants soient différents des autres enfants élevés « à l’ancienne » ?
Justement, je viens de parler avec la maîtresse de ma fille ! Et – bonne nouvelle – elle n’est pas moins « docile » que les autres : elle respecte les règles et ne pose pas de souci de discipline particulier. Et puis, ce sont mes enfants, je les trouve donc forcément extraordinaires ! Mais, par rapport à d’autres enfants, ils ont une vraie joie de vivre. On sent qu’ils sont vraiment « bien dans leurs baskets ». Ils ont suffisamment confiance en eux pour aller vers les autres et se débrouiller seuls dans plein de situations. Je pense que c’est dû au fait qu’on les a responsabilisés très jeunes. En leur montrant qu’on leur faisait confiance, on leur a fait comprendre qu’ils avaient toutes les qualités pour parvenir à leurs fins.
Si vous aviez un conseil à donner aux parents…
Déjà, si vous lisez cet article, c'est que vous vous intéressez à l'éducation de vos enfants, que vous avez envie de vous améliorer, et c'est déjà énorme ! Vous pouvez vous en féliciter et continuer à avancer doucement vers la bienveillance et la sérénité. Il est inutile de vouloir se transformer en parent parfait du jour au lendemain. L’important est de prendre conscience que l’on peut s’améliorer petit à petit. Et, pour cela, la clé est d’arriver à atteindre le calme et la sérénité. N’oubliez pas : « Cool parents make happy kids », alors prenez soin de vous !
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