Voilà une décision familiale qui demande réflexion, engagement, et pas mal de discipline. Vous et vos enfants, êtes-vous prêts à passer au zéro déchet ?
Depuis 2 ans, Bénédicte, Jérémie et leurs 2 enfants : Mali (8 ans) et Dia (6 ans) mènent une vie « zéro déchet ». Ou presque. Un mode qui les a amenés à réfléchir plus globalement à leur manière de consommer. Des « pollinisateurs d’espoir », comme dirait Nicolas Hulot, qui a préfacé leur livre. Interview de Jérémie Pichon par Bubble Mag.
Comment vous est venue cette idée de « zéro déchet » ?
Cela fait 15 ans que je travaille pour diverses ONG – notamment Surfrider (j’avais développé à l’époque « Mountain Riders » pour ramasser les déchets en montagne) –, afin de sensibiliser les gens à la pollution et aux enjeux du développement durable. De mon côté, je pensais être au top : j’avais un compost et me fournissais dans une AMAP. Mais cela ne nous empêchait pas, avec Bénédicte et les enfants, de produire nos 2 sacs-poubelle hebdomadaires… Un jour, à l’été 2014, nous avons vidé notre poubelle sur une grande bâche dans le jardin et regardé de près d’où provenaient nos déchets. Cela a été le déclic : le déchet ne se retrouvera pas dans la mer si je ne l'achète pas ! En octobre 2014, nous lançâmes notre blog « Famille zéro déchet » avec ce défi : 1 année sans poubelle. Le début d’une énorme prise de conscience.
Laquelle ?
Viser le zéro déchet, ce n’est pas seulement une question d’emballage : c’est un choix de vie et de société. C’est revoir de A à Z sa manière de consommer, en choisissant des alternatives qui polluent le moins possible. Or, ce qu’il faut savoir, c’est que nos déchets domestiques (en moyenne 390 kg par an et par personne) ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La partie immergée représente tous les « déchets cachés » issus de la fabrication de nos biens de consommation : déchets produits pendant le processus d'extraction et de transformation des matières premières, pendant la fabrication des emballages, pendant le transport… soit 13,8 tonnes de déchets (issus de l’agriculture, de l’industrie et du BTP) et 50 tonnes de ressources consommés, par an et par personne ! Voilà où nous a menés notre société basée sur l’ultra-consommation…
Zéro déchet : comment est-ce possible ?
Il suffit de trouver des alternatives, d’être un peu créatif et de manger bio (ou selon l’agriculture raisonnée), local et de saison. Nous n’allons plus jamais dans les grandes surfaces. Deux fois par semaine je ramène une cagette de légumes et de fruits directement de chez le producteur. Pour le reste, nous nous approvisionnons chez un boucher et un fromager où nous apportons nos Tupperware (tuptup) en verre et dans une Biocoop où nous achetons en vrac (pâtes, céréales, thé…) : plus besoin de sac ni de papier d’emballage ! Certes, il faut se remettre un peu à cuisiner (terminés, les plats préparés), mais c’est un vrai plaisir ! Résultat : nous avons réduit de 91 % nos déchets. De 390 kg annuels, nous sommes passés à 25 kg (plus 10 kg d’entretien voiture).
Et pour les produits ménagers, comment faites-vous ?
Nous avons une « droguerie » de base pour fabriquer nos produits ménagers nous-mêmes : avec du vinaigre, du bicarbonate de soude, du savon noir et des huiles essentielles, vous pouvez tout faire ! Pour les vêtements ou les jouets des enfants – notre seule entorse au plastique sont les LEGO et les Playmobil ! –, nous achetons d’occasion, ou nous échangeons entre familles. Vous n’imaginez pas la quantité de produits, en très bon état, qui sont disponibles !
Nos seuls échecs : la voiture (nous habitons à la campagne, à Hossegor), le téléphone portable (la seule marque éthique, le Fairphone, coûte 500 €… !) et l’ordinateur (il n’en existe pas encore d’éco-conçu), dont nous ne pouvons pas nous passer. Mais j’ai confiance, les solutions viendront un jour.
Votre démarche a-t-elle suscité l’intérêt ?
Le buzz est venu petit à petit. À ce jour, nous comptabilisons un demi-million de visiteurs (soit entre 2 à 3 000 par jour) sur notre blog. Nous avons été approchés par un éditeur ; notre livre est sorti cette année (un autre arrive bientôt), et nous avons de plus en plus de demandes de conférences et d’interviews. Les choses changent. Pas par le haut comme nous en avions rêvé du temps du Grenelle de l’environnement, mais par le bas, grâce aux nombreuses initiatives citoyennes… « Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. Historiquement, c’est toujours de cette façon que le changement s’est produit », comme dirait Margaret Mead, anthropologue américaine.
Zéro déchet : n’est-ce pas une lubie qui vous passera un jour ou l’autre ?
Je vous assure que non ! Il suffit de changer ses habitudes et, une fois les nouvelles prises, on les garde. Le gain en qualité de vie est énorme : on mange mieux, on retrouve le goût des bonnes choses, on protège notre santé ainsi que celle de nos enfants, on agit sur l’économie locale, on vit selon nos convictions et l’on dépense moins (20 % d’économies sur notre budget). Il n’y a aucune frustration, je vous l’assure !
Un livre
Sorti en 2016, leur livre Famille (presque) zéro déchet – ZE guide est écrit sur le même ton humoristique que le blog (les illustrations de Bénédicte « Bloutouf » sont à mourir de rire). Extrêmement bien documenté, il explique, chiffres à l’appui, les dégâts causés par nos modes de consommation (pour ceux qui auraient encore des doutes) et propose des solutions à appliquer au quotidien, entre anecdotes et conseils très pratiques. Si le challenge peut faire peur, rien n’empêche de s’en inspirer pour commencer à son rythme…
« Famille (presque) zéro déchet – ZE guide », de Jérémie Pichon et Bénédicte Moret, Thierry Souccar Éditions, 15 €.
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