Mon autorité, Héloise, ma fille de 5 ans, ne perd pas une occasion de la défier ; en tout cas, c’est l’impression que j’ai, à chaque changement d’activité. Dès le matin, pour s’habiller : « attends, je joue ! » Pour venir petit déjeuner : « attends, je m’habille » ! On part : « attends, je petit-déjeuuune !! » Mets tes chaussures : « ouii, mais attends ! » On met le manteau : « non, pas celui, là, le rose ! ». Que faire ? La punir ? Tous ses refus et ses exigences (« je veux un bonbon ! ») m’exaspèrent, je crie souvent, c’est là où elle devient tyran, car son attitude rejaillit sur tout le monde, et est néfaste pour l’ambiance familiale.
Un psy me l’avait dit : il faut lui faire vivre les conséquences de ses actes, la laisser se prendre le mur, mais elle seule, pas avec moi. Une sorte de lâcher-prise… Alors elle est déjà descendue pieds-nus dehors, s’est déjà retrouvée en pyjama dans la neige… Ça marche… 2 jours, puis elle recommence : on va dans le bain : « nooon, je joue ! » On sort du bain : « Non, je joue !!! ».
Je vois bien que les oppositions de ma petite chérie sont surtout l’expression d’une grande frustration, celle de lâcher cette activité dans laquelle elle est engagée à 200%, contre une contrainte que je lui impose, qui lui paraît alors être la plus grande des brimades du monde ! Elle l’exprime lorsqu’alors elle me hurle dessus : « laisse-moi viiivre !!! »… à 5 ans !
L’année dernière, dévastée par un immense sentiment de frustration, peut- être, comme celle de ce matin, d’être privée de céréales, après avoir renversé son bol de lait, emportée par l’élan de vouloir les ouvrir elle-même, alors que je lui avais demandé de me laisser le faire… A 4 ans, donc, elle était partie, après m’avoir crié son fameux « laisse-moi vivre ! » en claquant violemment la porte de la maison, a dévalé toute seule les 2 étages de l’immeuble pour se ressourcer dans le jardin.
« Laisse-moi vivre ! »
C’est son leitmotiv tout à fait révélateur de son tempérament : entier, fonceur, passionné, enthousiaste, insoumis… Le problème, c’est que sa mère, moi, a le même tempérament. L’autorité, ou le rappel d’horaires, de règles de vie en commun, le respect des consignes, ce qu’on appelle en positif « la rigueur » lui, (nous…) apparaissent assez vite insupportables. Même si elle sait faire parfois d’énormes efforts pour les respecter. Car elle a aussi cette immense avidité d’être aimée et de donner de l’amour…. Respecter des consignes pour être aimée ? Cette liaison fait grincer les dents des psys, alors je fais tout pour dissocier les deux. L’amour lui est accordé de manière inconditionnelle. Les consignes, c’est pour bien grandir, pas pour être aimée. C’est pour elle.
Elle adore rire, mais ses crises de rires dégénèrent très vite en excitation avec son frère et sa sœur, qu’elle entraine dans des parties de sauts de carpes ou d’aboiements de chiens ou encore des transformations en singe domestique, au grand dam des voisins… et qui se terminent forcement en un coup donné ou pris, dans des larmes, car elle n’a pas su canaliser ses débordements de joie. Ma fille déborde, voilà l’histoire. Déborde de vie, de joie de vivre, est dans les extrêmes tout le temps.
Une fois ce diagnostic posé, puis-je vraiment parler d’autorité ? Je cherche avant tout à la canaliser, et l’aider à s’auto-canaliser. Elle n’a que 5 ans, difficile de la raisonner. Mais mon truc, pour ne pas me laisser emporter à mon tour par l’agacement devant les innombrables « bêtises » et refus, c’est tout d’abord de tenter de porter un regard positif sur elle : me dire que je l’aime, c’est ma fille, j’ai un rôle, celui d’éducatrice. Elle n’aspire qu’à être aimée, lui montrer avant tout que je l’aime, en la câlinant, en la valorisant, quand je vois des efforts pour ranger sa chambre, s’habiller ou se déshabiller dans les temps.
Ensuite, me préparer mentalement en m’endormant, et au réveil, à « l’affronter » avec douceur, à la contourner et non à la prendre de front, lui annoncer quelques minutes à l’avance les changements d’activités, la préparer à la frustration qui l’attend, et lui montrer que, si elle est prête à temps, une autre partie de plaisir l’attend.
Mais j’essaye de tenir bon sur la règle, (un non est un non), jusqu’à ce qu’elle fasse ce que je lui ai demandé, on me l’a dit (un autre psy...), c’est essentiel pour la rassurer. Suis-je toujours cohérente ? Loin de là… mais je tente.
Mais parfois, je punis : la semaine dernière, arrivée en haut de la piste de ski, je lui avais demandé de nous attendre, avec son frère. Faisant fi de ma consigne, elle s’est lancée seule à l’assaut de la piste de ski, bien que débutante. Je l’ai retrouvée en bas, ravie, fière d’elle ! Que faire ?! Je lui ai retiré ses skis, je lui ai crié dessus et l’ai mise au piquet, en attendant que son frère nous rejoigne… Le piquet, c’est mieux qu’une fessée, non ?
Enfin, quand je sèche, je me plonge dans les bouquins. Psychologie, spiritualité, philosophies, j’essaie tout, je passe et repasse mon problème à la moulinette, je l’aborde sous tous les angles pour tenter de comprendre intellectuellement ce qui me dépasse émotionnellement, affectivement. Et souvent, je trouve !
« L'autorité est une disposition personnelle permettant de se faire obéir sans employer la force. Aussi peut-on dire qu'un chef de toute nature utilise d'autant plus la force qu'il a moins d'autorité. » J’aspire à correspondre à cette définition de l’autorité offerte par cette grande philosophe, Chantal Delsol, Professeur d'Université et épouse de Charles Millon, ancien ministre gaulliste, auteur, notamment, de L'autorité, PUF, Que sais-je n°793, Paris, 1994. Ça fait autorité, non ?